Figure du combat identitaire et démocratique connu pour son engagement pacifique, Abdesselam Abdennour a été placé jeudi en détention provisoire et poursuivi pour "appartenance à une organisation terroriste". Le rythme des arrestations contre des militants, activistes ou simples citoyens s'accélère, avec le recours systématique à la détention provisoire, malgré les multiples dénonciations, par des avocats et organisations des droits de l'Homme, quant à cette mesure excessive et de nature exceptionnelle. Pas moins d'une dizaine de personnes, appréhendées par les services de sécurité, ont été ainsi placées sous mandat de dépôt, jeudi, à Alger et dans d'autres régions du pays. C'est le cas, entre autres, du militant et intellectuel Fodil Boumala, arrêté mardi, avec perquisition de son domicile, et placé sous mandat de dépôt, jeudi 16 septembre, par le juge d'instruction du tribunal de Sidi M'hamed (Alger). Selon l'avocat Abdelghani Badi, joint par téléphone, les faits reprochés à la figure du Hirak sont en lien avec ses publications sur les réseaux sociaux. "Il est accusé de diffuser des déclarations mensongères publiées sur son compte Facebook et d'atteinte à l'unité nationale", affirme l'avocat, en précisant que l'affaire de Fodil Boumala a été prise en charge par le tribunal correctionnel et non pas criminel. Pour rappel, le militant politique est à sa troisième incarcération depuis septembre 2019. Il a passé cinq mois en détention provisoire avant d'être relaxé en mars 2020. Sa deuxième interpellation a eu lieu le 14 juin 2020, avant d'être remis en liberté le 18 juin. À l'instar de Fodil Boumala, plusieurs citoyens ont connu le même sort cette fin de semaine, avec parfois des accusations qui ne manquent pas d'interpeller par leur caractère aberrant. Le cas le plus emblématique est sans doute ce citoyen de Guelma, Rafik Siss, qui a été arrêté jeudi suite à un live Facebook où il a dénoncé la cherté des produits de large consommation. Un non-sens. Toujours dans l'est du pays, à Batna, trois personnes ont été placées sous mandat de dépôt. Azeddine Maache, Noureddine Aksas et Yacine Merchiche, arrêtés respectivement les 14, 15 et 16 septembre, ont tous vu leur domicile perquisitionné. Si les raisons de leur arrestation ne sont pas encore connues, pour l'avocat Abdelghani Badi, "il ne fait aucun doute que cette vague d'arrestations, avec les accusations classiques d'atteinte à l'unité nationale notamment, répond à une stratégie du pouvoir visant à étouffer toute velléité d'opposition, même si cette dernière est exprimée de manière tout à fait pacifique et qui plus est garantie par les lois de la Constitution". L'avocat précise, par ailleurs, que ces arrestations tous azimuts "nous rappellent forcément le recours à la même opération des services de sécurité contre les militants et opposants à la veille des rendez-vous politiques de 2019 et de 2021 (élections présidentielle et législatives, ndlr)". Jeudi, en tout cas, le tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, n'a pas désempli. Pas moins de huit personnes ont été présentées devant le juge d'instruction, qui les a placées aussitôt sous mandat de dépôt. Parmi les prévenus figure Abdennour Abdesselam, animateur culturel. Même des militants encartés et affiliés à des partis politiques ne sont pas épargnés. Yacine Merchiche, président du bureau régional du RCD de Batna, a été ainsi arrêté, jeudi, avec son fils Massi Merchiche. Selon le CNLD, le militant du RCD a vu son logement perquisitionné, avec la confiscation, par la police, de tous ses objets, dont un ordinateur et des téléphones portables. Durant toute la semaine, les services de sécurité ont appréhendé par ailleurs des dizaines de personnes à Tizi Ouzou, à Bouira, à Béjaïa, à Annaba, à Tiaret ou encore à Mostaganem. Dans le sillage de ces opérations d'une grande ampleur, le journaliste de Liberté Mohamed Mouloudj, arrêté dimanche 12 septembre, a été placé, deux jours après, sous mandat de dépôt. Pour Abdelghani Badi, toutes ces arrestations constituent un "glissement autoritaire dangereux pour le pays". "Nul n'est épargné, universitaires, femmes, hommes, chômeurs. Nous assistons à un abus de pouvoir qui franchit dangereusement toutes les limites, foulant aux pieds toutes les lois de la Constitution. C'est l'opinion et les libertés fondamentales qui sont combattues. Même les opposants activant dans le cadre de leur parti ne sont pas épargnés", s'alarme-t-il, en déplorant, par ailleurs, le silence "assourdissant" des universitaires, des partis politiques et des syndicats face à ces arrestations "abusives".