Le renvoi du gouvernement et le gel de l'activité du Parlement par le président tunisien, le 25 juillet dernier, ont entraîné le pays dans de nouvelles incertitudes et divisé les Tunisiens. Deux manifestations, des opposants et partisans du président tunisien Kaïes Saïed, ont eu lieu hier à Tunis, à l'avenue Habib-Bourguiba, suscitant de nouvelles tensions dans ce pays qui traverse l'une des plus graves crises politiques depuis la révolution de 2010. La manifestation dénonçant le renvoi du gouvernement et le gel de l'activité du Parlement, dominé par les islamistes d'Ennahdha, a eu lieu devant le théâtre de Tunis, suite à un appel lancé sur les réseaux sociaux. "Le peuple veut faire chuter le coup d'Etat", "Nous voulons la légitimité", "Constitution, liberté et dignité", scandaient les manifestants, dont des responsables d'Ennahdha, qui avaient dénoncé un "coup d'Etat", après la décision du président tunisien, le 25 juillet dernier, de suspendre le Parlement présidé par le chef islamiste Rached Ghannouchi. Un important dispositif sécuritaire a été déployé pour éviter tout débordement, ont rapporté les médias tunisiens. Car les partisans de M. Saïed ont décidé, eux aussi, de sortir dans la rue pour exprimer leur soutien aux décisions du président, que de nombreuses voix parmi les autres partis politiques et les membres de la société civile ont appelé à mettre fin à l'état d'exception dans lequel s'est retrouvé le pays, après des mois de blocages politiques, sur fond de guerre des coulisses et dans un contexte sanitaire chaotique, dû au coronavirus. "Non à la reprise des activités du Parlement", "Non à la corruption et à l'ancien régime politique", "Le pouvoir est pour le peuple", ont scandé les partisans de Kaïes Saïed, qui reste de marbre devant la pression exercée par l'opposition et la rue. Craignant que la situation tourne à l'affrontement violent dans la rue, la puissante centrale syndicale l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a appelé, hier, à cesser ces manifestations et à lancer un véritable dialogue politique. "La manifestation est un droit à moins que d'en faire un moyen pour diviser les Tunisiens et créer deux peuples dans le pays", avertit l'UGTT. Outre le retard pris pour la formation d'un nouveau gouvernement et le refus du président de lever la suspension du Parlement, c'est surtout son intention de revoir le régime politique actuel qui suscite la grogne chez une partie des Tunisiens. Kaïes Saïed a émis le vœu d'amender la Constitution de 2014, qui a instauré un régime parlementaire et que le président veut supprimer au profit d'un régime présidentiel. Estimant que le dernier mot revient au peuple, le chef d'Etat tunisien s'est montré déterminé à prendre son temps avant d'agir, tandis qu'en face, plusieurs voix ont appelé au dialogue. Pour sa part, l'UGTT a demandé au président Saïed d'organiser de nouvelles élections législatives anticipées, dans l'espoir de débloquer cette situation et avoir peut-être une nouvelle Assemblée nationale capable de surmonter les clivages politiques actuels et qui sont à l'origine de l'aggravation de cette impasse, que ce soit politique ou économique en Tunisie.