Le grand argentier du pays a annoncé qu'une loi de finances complémentaire 2006 est prévue afin de tenir compte des effets fiscaux de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Le gouvernement préparera une loi de finances complémentaire 2006 consacrée essentiellement à la réforme fiscale. C'est ce qu'a révélé M. Mourad Medelci, ministre des Finances, lors d'une rencontre-débat sur la loi de finances 2006 organisée, ce week-end, par le Club Excellence Management à l'hôtel El-Aurassi. Elle portera, selon M. Medelci, sur les mesures spécifiques relatives à la fiscalité locale, la fiscalité des entreprises et la fiscalité pétrolière après la mise en œuvre de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Le ministre a indiqué que “la pression fiscale n'a pas cessé de se réduire d'année en année, mais il y a un problème de la capacité de l'administration fiscale d'être au rendez-vous de la réduction significative de cette pression”. L'administration fiscale a récolté, selon lui, 49 milliards de DA en 2005 au titre de l'impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), soit près de 1,3% du PIB hors hydrocarbures. Le projet de loi de finances 2006 prévoit plusieurs mesures d'encouragement aux entreprises algériennes exportatrices dont la suppression de l'IBS. Il a déclaré, par ailleurs, que “le décret exécutif portant sur la cession des terrains des entreprises publiques économiques sera adopté prochainement par le gouvernement”. Une mesure qui permettra de faciliter davantage l'accès au foncier pour les opérateurs privés, soutiendra-t-il. Il a annoncé que “la banque de développement local (BDL) sera la deuxième banque qui sera privatisée via une ouverture de son capital après le Crédit populaire algérien (CPA)”. Le système de paiement électronique sera opérationnel, dira-t-il, au début de l'année 2006. Le ministre n'a pas évoqué la recapitalisation des banques publiques ni les différents aspects liés à la réforme du secteur bancaire et financier telle que la relance de la Bourse d'Alger. Il a rappelé que “le décret exécutif fixant le seuil d'argent autorisé à 50 000 DA en liquide sera appliqué en septembre 2006”, en expliquant au passage que “cette mesure permettra de réhabiliter le chèque en tant que moyen de paiement des transactions commerciales”. Concernant le projet de loi de finances 2006 soumis, actuellement, à l'Assemblée populaire nationale, il a précisé que “le budget de l'Etat en 2006 s'élève à 2 400 milliards de DA soit l'équivalent de 46% du PIB sur la base d'un prix de référence de 19 dollars/baril”. Et d'ajouter : “Notre démarche est raisonnable puisque tous les équilibres budgétaires sont basés sur 19 dollars/baril.” Le ministre a avoué que “le prix du baril dépasse, aujourd'hui, 50 dollars/baril et le chiffre de 19 dollars/baril ne nous empêche pas de caler nos dépenses sur 43 dollars/baril avec un déficit budgétaire de 750 milliards de DA en 2006 qui sera comblé par le Trésor public et le Fonds de régulation des recettes”, en s'interrogeant : “Peut-on être sûr que les prix actuels seront maintenus assez longtemps dans un marché pétrolier instable ?” Fonds de régulation : une cagnotte de 20 milliards de dollars Le Fonds de régulation des recettes totalise, indique M. Medelci, 1 400 milliards de DA, soit environ 20 milliards de dollars et les réserves de change dépassent 51 milliards de dollars à fin septembre 2005. Le montant de la dette extérieure est évalué à 18 milliards de dollars et le taux d'inflation est de 3%. Pour M. Medelci, “les secteurs du bâtiment et travaux publics (BTP) et les services sont les grands consommateurs du budget de l'Etat”. Les exportations hors hydrocarbures ne dépassent pas encore le seuil de 1 milliard de dollars bien qu'on ait prévu, auparavant, d'atteindre 2 milliards de dollars, martèlera-t-il. Le montant des crédits à l'économie est estimé à 1 348 milliards de DA, soit l'équivalent de 20 milliards de dollars en 2004. Ce qui représente une hausse de 47% comparativement à l'année 2000. La part du secteur privé est de 47% en 2004 contre respectivement 42,38 et 27% en 2003, 2002 et 2001. Une part importante de l'enveloppe financière consacrée au plan quinquennal 2005-2009 est répartie dans le budget 2006, soit 75%. les dépenses calées sur un baril à 43 dollars L'Etat a identifié des assiettes de terrain pour la construction de 2,8 millions de logements. Il a exhorté les opérateurs économiques à identifier les filières d'activité les plus compétitives pour les développer au lieu de revendiquer une réduction d'impôts. Le ministre reste “plus rassuré, aujourd'hui, sur les conditions de la mise en œuvre du plan quinquennal 2005-2009 qu'il y a 6 mois et le niveau de réalisation du budget d'équipement 2004 a atteint 86%”. Intervenant dans le débat, M. Abdelhak Lamiri, économiste et P-DG de l'INSIM, a estimé que “l'Algérie souffre de l'absence d'une stratégie économique claire tracée par les politiques et de politiques sectorielles élaborées par les techniciens, alors que l'Exécutif sera chargé uniquement de la mise en œuvre de cette politique”. Continuant sur sa lancée, il a affirmé qu'“il n'y a que les pays qui décentralisent mieux en qualifiant les ressources humaines qui réussissent sur le plan économique comme la Corée du Sud”. Pour M. Lamiri, “il y a trois facteurs-clés de la croissance économique, en l'occurrence le taux d'utilisation des ressources humaines, le niveau de la productivité et le volume des exportations hors hydrocarbures”. Abondant dans le même sens, M. Rédha Hamiani, vice-président du Forum des chefs d'entreprise, a déploré l'absence de mesures de protection de l'industrie nationale face à la concurrence étrangère en citant l'exemple du secteur des textiles. Il a soutenu que “les besoins de la population algérienne sont couverts de plus en plus par l'importation puisque nos importations sont passées de 10 milliards de dollars en 2001 à 20 milliards de dollars en 2004”. Le secteur privé algérien crée 80% de la valeur ajoutée et ne reçoit que 47% des crédits, remarquera-t-il. Les taux d'intérêt ne suivent pas, selon M. Hamiani, le taux d'inflation contrairement à ce qui est appliqué sous d'autres cieux. Faïçal Medjahed