Poètes, écrivains, comédiens, peintres, musiciens ont célébré le 22e Festival de poésie populaire, organisé dernièrement au théâtre Hamma-Miliani. Les déclamations des participants, en nombre à ce rendez-vous, ont rendu hommage à leur Algérie, à sa nostalgie et à la déchirure de la quitter. Le théâtre Hamma-Miliani d'Ivry-sur-Seine (94) a vécu samedi dernier un après-midi culturel où se sont côtoyés poètes, écrivains, comédiens, peintres, musiciens et ce, dans le cadre du 22e Festival populaire de poésie nue, c'est-à-dire une poésie authentique, sans fioritures. L'Algérie était omniprésente à travers les œuvres présentées. L'un des organisateurs, Camille de Archangelis, explique : "Ce festival est une grande réunion fraternelle de la création et de l'amitié entre les peuples qui se tient depuis 1975, à chaque fois dans une ville différente, c'est un festival itinérant. Cette manifestation accueille tous les arts et se déplace dans les hôpitaux, les collèges, les universités, les salles des fêtes, les théâtres... pour porter la parole de la poésie." À cette occasion, le poète algérien Azar nath Quodia, auteur de Cendres et Poésie (Librairie Tropiques, 2017) et de Testament tellurique (éditions Delga et Tropiques, 2018), a déclamé quelques-uns de ses poèmes, dont un magnifique hommage à Jean El-Mouhoub Amrouche : "Sur tes deux terres malgré l'abondance des cendres/Elles s'emmurent dans une même ingratitude et indignité/Si la mort t'avait épargné/Tu aurais bien 112 ans/Voici déjà manqué le testament de Jugurtha (...)" Mais, pour le poète, rien n'est perdu : "Ton peuple s'émeut de son sort par crainte qu'il faille un jour accomplir son destin/Mais sache que des bourgeons ont un sourd désir de saillir de tes branches." Azar a présenté huit poèmes emprunts de nostalgie du pays "qui nous manque maintenant depuis des années, c'est une déchirure indicible". Il a aussi évoqué "ce qui arrive actuellement à l'humanité, sans oublier l'amour et l'espoir". Un homme âgé partage un texte avec l'assistance, d'une voix émue. Il s'appelle Mario Urbanet. Il parle de l'Algérie de sa jeunesse qu'il a connue dans les circonstances dramatiques de la guerre de Libération : "L'un des petits grains qui renverseront le sablier/Ils m'ont voulu soldat, gardien de leur trésor/Rapine de conquérants qui leur échappera/Aussi sûr que ma main ne sait pas retenir l'air." C'est un extrait du poème Mur de sable, qui a donné le titre d'un recueil, avec le sous-titre Brûlures d'Algérie (éditions Couleurs et Plumes, 2018). L'homme, qui porte manifestement encore les traces des "brûlures d'Algérie", raconte : "J'ai été appelé contre mon gré en 1956. Cela se voyait et des gradés me prédisaient la mort au combat. Je me suis retrouvé à Tindouf, puis à la Légion à Aïn Sefra où j'ai été muté par mesures disciplinaires. J'ai écrit ce recueil de poésie pour parler de cette partie de ma vie, car, comme la plupart des appelés d'Algérie, je ne parlais pas de ça, même à mes enfants. Dans mon recueil, je dis ce qu'a été cette guerre, vue par moi." Co-organisateur du festival, avec les éditions Tangerine Nights et la Compagnie Sophie la dit, Hamma Miliani, né en Algérie, écrivain, dramaturge sorti de l'Ecole nationale d'arts dramatiques, diplômé en sciences politiques de la Sorbonne, nous explique que son théâtre d'Ivry "est ouvert à tous les genres culturels, à toutes les expressions, nouvelles et anciennes. C'est un lieu de partage, de découverte de nouveaux auteurs, peintres, comédiens...", conclut l'enfant d'Aïn Mlila. Il convient de noter que le programme prévoit la clôture du festival sur des notes de musique andalouse avec le chanteur Sidahmed Larinouna.