Au terme du procès de l'ex-ministre des TIC, Imane-Houda Faraoun, et de l'ancien P-DG d'Algérie Poste, Tayeb Kebbal, qui s'est déroulé, dimanche et lundi, au tribunal de Sidi M'hamed à Alger, le procureur de la République a requis à l'encontre de chacun une peine de 8 ans de prison ferme. La défense a demandé l'acquittement de tous les prévenus. Dans un réquisitoire d'une dizaine de minutes, le procureur de la République près le pôle spécialisé du tribunal de Sidi M'hamed a tenté de justifier toutes les accusations portées contre les deux principaux accusés, à savoir Imane-Houda Faraoun et Tayeb Kebbal, ainsi qu'aux autres prévenus, essentiellement de la commission des marchés de l'opérateur public des télécoms. Selon le représentant du parquet, "le choix du procédé de gré à gré est quasiment synonyme de corruption". Il a accusé Kebbal d'avoir "enfreint la réglementation" des marchés publics et surtout d'avoir "exécuté des instructions illégales" émanant du gouvernement. L'ancien P-dg, qui comparaissait libre, contrairement à Houda Faraoun qui était sur le banc des accusés, est également accusé de ne pas avoir "appliqué des décisions du conseil d'administration et des dispositions du code des marchés" de l'entreprise. Pour le procureur, ces "manquements" ont "causé d'énormes pertes pour l'entreprise, mais également pour le Trésor public, puisque l'Etat est propriétaire d'Algérie Télécom". Il a rappelé que le taux d'avancement du projet, qui visait à raccorder un million de foyers à la fibre optique, était de 19% pour la société Huawei qui avait "encaissé 22 millions d'euros" et 11% pour ZTE qui avait perçu 7 millions de dollars. Résultat des courses : "Malgré toutes ces sommes colossales dépensées, le projet n'a pas été réalisé et la société a été obligée de signer de nouveaux contrats." Sauf que le procureur n'a pas dit que les nouvelles transactions ont été paraphées avec... les mêmes entreprises et avec des prix plus élevés. Enfonçant encore l'accusé, il tentera de blanchir les membres de la commission des marchés dont la vocation était "technique" puisqu'ils "étaient loin des considérations administratives et financières". En plus de Tayeb Kebbal, le procureur de la République a également chargé Imane-Houda Faraoun, coupable de ne pas avoir "imposé l'application de la réglementation". "L'accusée était présidente de l'assemblée générale des actionnaires d'Algérie Télécom et elle était ministre. Lorsqu'on est responsable, on doit l'être jusqu'au bout", a-t-il fulminé. L'ancienne ministre des TIC "avait tenu des réunions et donné des instructions non réglementaires" au P-dg d'Algérie Télécom, a-t-il encore indiqué, tout en rappelant que le recours au gré à gré pouvait être évité, puisque la décision de doter le pays d'une ligne de fibre optique a été prise en 2013 et le contrat avec les deux sociétés chinoises a été signé en 2017. "Durant quatre ans, les responsables avaient le temps nécessaire pour lancer des avis d'appel d'offres et respecter la réglementation", a-t-il ajouté. Il a requis des peines de 8 ans de prison, assortie d'une amende de 1 million de dinars et d'une période d'inéligibilité de 5 ans pour les deux principaux accusés. Les membres de la commission des marchés encourent 6 ans de prison ferme, tandis que le représentant du parquet a demandé une amende de 5 millions de dinars pour chacune des deux entreprises chinoises, à savoir Huawei et ZTE. Les comptes bancaires et des biens de ces deux sociétés devraient être confisqués, a-t-il encore requis. Nombreux à se relayer à la barre, les avocats de la défense ont réclamé l'acquittement de tous les prévenus. Un des avocats de Tayeb Kebbal a notamment contesté les expertises techniques qui ont conclu à une "hausse des prix" proposés par les deux compagnies. Une accusation que l'ancien P-DG avait démonté avant le réquisitoire en défiant le tribunal de trouver des prix inférieurs à ceux qui étaient pratiqués par les deux entreprises chinoises. Nabil Ouali, l'avocat de Houda Faraoun, a notamment défendu le fait que les transactions se sont effectuées au niveau de l'entreprise Algérie Télécom, et non au ministère. Le verdict est laissé en délibéré pour la semaine prochaine.