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"L'amélioration du pouvoir d'achat nécessite une politique de plein emploi"
HABIB SI ALI, EXPERT CONSULTANT EN DROIT DU TRAVAIL ET RESSOURCES HUMAINES
Publié dans Liberté le 07 - 11 - 2021

Liberté : Dans le projet de loi de finances 2022, le gouvernement a institué plusieurs mesures dont l'objectif est d'améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs. Il s'agit, entre autres, de la baisse de l'IRG. En quoi cette mesure consiste-t-elle et quelle est son incidence sur les salaires ?
Habib Si Ali : Effectivement, le projet de loi de finances pour l'année 2022 prévoit une refonte du barème de l'impôt sur le revenu global (IRG), une mesure qui va alléger la pression fiscale sur les revenus des travailleurs. Ainsi, les travailleurs dont le salaire est inférieur à 30 000 DA sont affranchis de l'IRG, les revenus supérieurs à 30 000 DA et inférieurs à 35 000 DA bénéficient d'un deuxième abattement supplémentaire, les revenus supérieurs à 30 000 DA et inférieurs à 42 500 DA des travailleurs handicapés moteurs, mentaux, non-voyants ou sourds-muets, ainsi que les travailleurs retraités du régime général bénéficient d'un abattement supplémentaire sur le montant de l'IRG, non cumulable.
En revanche, les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères bénéficieront d'un abattement proportionnel sur l'IRG à 40% qui ne peut être inférieur à 12 000 DA/an ou supérieur à 18 000 DA/an (soit entre 1 000 et 1 500 DA/mois). Le nouveau barème de l'IRG va exclure les revenus annuels n'excédant pas 240 000 DA de cet impôt, ceux compris entre 240 001 et 480 000 DA y seront soumis à hauteur de 23%, entre 480 001 et 960 000 DA à 27%, entre 960 001 et 1 920 000 DA à 30%, entre 1 920 001 et 3 840 000 DA à 33%, tandis que les revenus supérieurs à 3 840 000 DA seront imposables à hauteur de 35%. À titre comparatif, l'ancien barème est composé de quatre tranches (revenus n'excédant pas 10 000 DA sont soumis à 0%, de 10 001 DA à 30 000 DA à 20%, de 30 000 DA à 120 000 DA à 30% et supérieur à 120 000 DA à 35%).
Outre la baisse de l'IRG, le gouvernement a décidé d'augmenter le point indiciaire, une mesure qui serait destinée à augmenter les petits et moyens salaires de la Fonction publique. Est-ce vraiment le cas ?
Les effectifs de la Fonction publique s'élèvent au 31/12/2019 à 2 160 836 fonctionnaires et agents contractuels (source DFFP). Ce personnel est rémunéré selon les conditions et critères fixés par le statut de la Fonction publique (ordonnance n°06-03 du 15 juillet 2006 portant statut général de la fonction publique) et environ 60 statuts particuliers de différents corps et fonctions. La rémunération des fonctionnaires est pratiquement gelée depuis 2012, à l'exception de quelques réajustements qui ont été opérés sur les statuts de quelques corps de la Fonction publique à l'exemple de l'octroi de la prime Covid pour le personnel de la santé. La rémunération de base est fixée à 45 DA le point indiciaire pour la majorité des fonctionnaires et à 19 DA pour ceux occupant des fonctions supérieures, en plus du régime indemnitaire propre à chaque corps de fonctionnaires. Tout relèvement du point indiciaire entraîne directement une augmentation de la rémunération de base et aussi sur le régime indemnitaire, étant donné qu'une grande partie des primes et indemnités sont indexées sur le salaire de base.
Aucune indication n'a été fournie sur le niveau d'augmentation que veut engager l'Etat pour ses fonctionnaires, mais chaque dinar de plus va engendrer une augmentation de la masse salariale des 2 160 836 fonctionnaires. Il faut éviter le relèvement des bas salaires uniquement, et ce, pour ne pas tomber dans le phénomène d'entassement des salaires.
L'autre secteur oublié de ce débat, c'est celui des travailleurs du secteur économique (entreprises publiques et privées), un secteur très impacté par les effets négatifs de la Covid-19 et qui a connu des répercussions désastreuses sur son activité, où des milliers d'entreprises ont connu des arrêts momentanés, cessation d'activité et fermeture définitive d'unités de production. Pour ce secteur, la priorité est pour la sauvegarde de l'emploi et la relance de l'activité.
Le gouvernement est appelé à réunir les partenaires sociaux autour d'une tripartite pour discuter de la situation du monde du travail fragilisée par la pandémie de Covid-19.
Quid de la décision de l'institution dès 2022 d'une allocation chômage au profit des demandeurs d'emploi ?
Avant de parler de cette allocation chômage, il est nécessaire de rappeler quelques chiffres utiles concernant le taux de chômage en Algérie. Selon l'ONS, le taux de chômage en Algérie a atteint 11,4% en mai 2019.
Les chiffres de l'Anem sur les principaux indicateurs du marché de l'emploi indiquent que 2 217 289 demandes d'emploi ont été recensées en 2020 contre 1 544 349 en 2019. Sur cette décision de l'institution d'une allocation chômage, il apparaît que cette aide va concerner la population des universitaires, les diplômés des centres de formation et les personnes sans qualification, âgées de 19 ans et plus.
L'Etat va confier la gestion de cette allocation au même dispositif qui s'occupait du programme Daip, en l'occurrence l'Anem et la DEW. À signaler que le dispositif Daip est presque gelé depuis plus de 3 ans. Selon les échos provenant des agences de l'Anem, on enregistre un flux important de demandeurs d'emploi qui veulent s'inscrire.
Avec cette décision, le chiffre de demandeurs d'emploi va doubler d'ici à la fin de l'année en cours. Cette tendance va se confirmer dès le premier trimestre 2022 avec l'entrée en vigueur de cette allocation.
Pensez-vous que ces mesures sont suffisantes pour améliorer le pouvoir d'achat des Algériens, laminé par plusieurs facteurs, dont l'inflation, la dépréciation du dinar et la stagnation des salaires ?
L'amélioration du pouvoir d'achat nécessite une politique de plein emploi, laquelle passera par le soutien aux entreprises en difficulté et la prise en charge des milliers de travailleurs qui ont perdu leur emploi à cause de cette crise sanitaire.
Quel serait, selon vous, le salaire moyen qui pourrait garantir une vie décente à une famille algérienne de 5 membres ?
Le travail sur cette question doit être confié à des organismes spécialisés.
Aucune étude ou enquête n'a été menée sur les salaires ces dernières années, ce qui ne permet pas d'avancer des données sur le salaire moyen qui peut assurer une vie décente à une famille moyenne en Algérie.

Propos recueillis par : ALI TITOUCHE


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