Pour éviter une rupture dans la chaîne d'approvisionnement et prévenir d'éventuelles tensions sur le pain, le ministère du Commerce exige des boulangers de se fournir en farine directement des minoteries publiques et privées. Sur instruction du ministère du Commerce, les boulangers sont désormais tenus d'acheter directement la farine panifiable, auprès des minoteries, qu'elles soient publiques ou privées et au prix fixé par l'Etat, sur la base de factures détaillées et d'autres documents. Ainsi, les boulangers doivent présenter des factures pour chaque opération d'approvisionnement. Les services de la Direction de la concurrence et des prix (DCP) effectuent des inspections pour contrôler les factures établies par les minoteries. Omar Amer, président de la commission nationale des boulangers, un groupe de travail rattaché à l'Association nationale des commerçants et artisans (Anca), juge la démarche positive. "C'est une bonne chose", dit-il, mais encore faut-il que les minoteries privées jouent le jeu, en produisant suffisamment de farine meunière conditionnée en sacs de 50 kilogrammes destinés aux boulangers. C'est là toute la question. Selon des sources, des minoteries privées préfèrent le petit format au grand, produisant ainsi de grosses quantités de farine conditionnée dans des sacs de 2 kg, de 5 kg, de 10 kg et de 25 kg, destinés à la consommation du grand public. Pour Omar Amer, "elles doivent remplir leur part du contrat en contribuant à approvisionner de manière fiable et continue le marché en farine, notamment panifiable". Un problème a cependant été rapporté par certaines d'entre elles : Des minoteries privées ne disposent pas des quantités souhaitées en céréales. Le problème posé est "réel", soutient Omar Amer. Une commission mixte composée de représentants des ministères de l'Agriculture, des Finances et de l'Industrie, a été mise en place pour en discuter afin d'apporter des solutions. Elle devait examiner les dossiers de plus de 200 minoteries et dégager des solutions aux problèmes liés à leur approvisionnement en blé. Mais, selon le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, il existe environ 400 minoteries, et l'importation du blé en tant que matière première dépasse largement les besoins du marché. "Doit-on importer pour combler les besoins du marché ou répondre aux besoins de ces minoteries qui veulent faire tourner leurs usines à plein régime avec tout ce que cela implique comme coûts pour l'Etat ?" s'est-il interrogé. Le gouvernement a déjà décidé d'augmenter le quota de blé tendre fourni à chaque minoterie de 50% à 60% par rapport aux capacités de trituration. Le président de la commission nationale des boulangers estime que les minoteries privées "font du mieux qu'elles peuvent, en fonction des disponibilités en céréales", en ajoutant toutefois qu'"elles ne peuvent produire exclusivement de la farine panifiable destinée aux boulangers". "Car, poursuit-il, elles doivent tenir compte de la rentabilité des unités de production". Le secteur public joue également un rôle primordial dans ce marché. Le groupe agro-industries Agrodiv Spa, né de la restructuration du secteur public marchand en février 2015, dispose de six filiales de transformation céréalière. Son président-directeur général, Brahim Lazreg a, dans une récente déclaration à Liberté, souligné que le groupe qu'il dirige couvre "17% du marché et qu'il doit s'assurer que l'approvisionnement soit garanti de manière continue, y compris dans des régions reculées du Sud". Il a ajouté que "les céréales sont disponibles et que nous mettons tout ce que nous triturons à la disposition des boulangers". Une source proche de la filière céréalière dans la région centre (filière dépendant d'Agrodiv) nous a affirmé que "la totalité de la production, ou presque, de la filière est vendue aux boulangers". "Nous fabriquons de la farine conditionnée dans des sacs de 50 kg, destinée spécialement aux boulangers. Nous ferons en sorte que notre production satisfasse au mieux leurs besoins", explique notre source. L'Etat doit mettre de la cohérence dans ce marché, faute de quoi, les boulangers se retrouveront contraints de toquer à la porte de l'informel et d'acheter la farine dont ils auront besoin pour la confection du pain à des prix élevés (à 2 800 à 2 900 DA le sac de 50 kg). De 1975 à 1994, le prix à la consommation de la farine et de la semoule constituait le prix de référence à partir duquel étaient définis les prix de cession des grains (céréales) par l'OAIC aux minoteries et semouleries, qu'il s'agisse de grains produits localement ou de grains importés. Le décret exécutif n°96-132 du 13 avril 1996 portant fixation des prix aux différents stades de la distribution des farines établit à 2 000 DA le quintal le prix de la farine vendue aux boulangers. Omar Amer relève que "l'anarchie s'est emparée du secteur de la boulangerie depuis vingt-cinq ans et qu'il y va de l'intérêt de l'Etat de ne pas le laisser y replonger". "La commission que je représente tente de conjuguer ses efforts afin de contribuer activement à la stabilité de ce secteur", a-t-il assuré.