Nous continuons le traitement de cette question entamé jeudi passé. Nous essaierons de répondre à la question suivante : la nouvelle loi aurait-elle “restitué à l'Etat celles de ses prérogatives exercées par Sonatrach” ? Du point de vue opérationnel, l'avant-projet de loi en question innove à trois niveaux : a) la concentration du pouvoir décisionnel dans le secteur entre les mains du “ministre chargé des hydrocarbures”, b) la création d'une “autorité de régulation des hydrocarbures”, c) la création d'une agence nationale pour la revalorisation des ressources en hydrocarbures, ALNAFT. Dans le projet de loi, il est écrit : “Chacune de ces agences hydrocarbures jouira de l'autonomie de gestion dans le domaine de ses activités. Ces agences hydrocarbures ne sont pas soumises aux règles applicables à l'administration, notamment en ce qui concerne leur organisation, leur fonctionnement et le statut du personnel. Leur comptabilité est tenue sous la forme commerciale. Dans leurs relations avec les tiers, elles sont régies par les règles commerciales. Chacune de ces agences hydrocarbures est administrée par un conseil...” C'est par conséquent l'autonomie de gestion totale. Rien à voir avec les administrations, même si elles sont financées par une redevance. Ce qu'il faut noter, c'est qu'aujourd'hui le permis ou contrat de recherche et/ou d'exploitation relève du décret présidentiel après décision prise en Conseil des ministres, sur proposition du ministre de l'Energie. La Sonatrach agit comme secrétariat ou agent technique du ministère de l'Energie. Ce n'est pas Sonatrach qui décide. Dans de telles conditions, en quoi accapare-t-elle les prérogatives de l'Etat ? N'y a-t-il pas confusion dans l'esprit des rédacteurs du texte entre prérogative et tâche ? En fait, qu'est-ce qui est proposé par le nouveau texte ? C'est le “ministre chargé des hydrocarbures” qui se substitue au Conseil des ministres et au président de la République pour approuver le contrat par arrêté à la place du décret présidentiel. La tâche de préparation technique qui est présentement assurée par Sonatrach est confiée à ALNAFT. Ainsi, au niveau du processus décisionnel, c'est “le ministre chargé des hydrocarbures” qui se substitue au conseil des ministres et au président de la république et au niveau des tâches de préparation technique, c'est ALNAFT, une agence totalement autonome, qui se substitue à Sonatrach ! En ce qui concerne l'autre agence, les tâches de régulation des hydrocarbures qui relèvent, présentement, de la direction générale des hydrocarbures du ministère de l'Energie et des Mines vont être confiées à une entité autonome dans sa gestion, l'Autorité de régulation des hydrocarbures. Et cela s'appelle “restituer à l'Etat ses prérogatives” ! n'est-ce pas le contraire ? S'il y a d'autres considérations opérationnelles qui justifient la nouvelle organisation, il fallait les donner, sinon on serait obligé de conclure que ladite organisation vise à concentrer le pouvoir décisionnel dans un secteur extrêmement stratégique pour le pays entre les mains d'une seule personne : le ministre en charge du secteur. Maintenant, essayons de voir si les nouvelles agences seront en mesure d'assumer leurs tâches ? 1- Les objectifs de la régulation des activités opérationnelles de développement des ressources sont : i) La promotion de la compétition, c'est-à-dire supprimer les barrières à l'entrée, assurer l'accès à l'information, s'assurer qu'il y a un nombre suffisant de participants pour permettre l'émergence d'un marché compétitif. ii) La protection de l'environnement, c'est-à-dire s'assurer que les activités sont menées de telle sorte qu'il n'en résulte pas une dégradation de l'environnement, d'une part, et qu'il n'y ait pas d'interférence avec d'autres utilisations du sol, d'autre part. À la fin du cycle de vie du projet, les sites sont rendus de façon adéquate. iii) La conservation des ressources, c'est-à-dire s'assurer que l'exploitation des ressources se réalise de manière à ne pas hypothéquer les meilleurs moyens d'exploitation. iv) La protection de la santé et la sécurité des travailleurs. 2. Quelques activités de régulation concernant l'exploration. Il y a un certain nombre d'activités de régulation qui doivent intervenir avant le début du forage du puits : (I)-La planification de l'utilisation des surfaces dans le domaine minier. Cette planification permet de prévenir les conflits autour des utilisations des sols, particulièrement les habitations, d'une part, les activités industrielles en relation avec la protection de l'environnement, d'autre part. Il faut garder à l'esprit les catastrophiques implantations d'habitations dans la ville de Hassi Messaoud ou encore Chelghoum Laïd, dans la wilaya de Constantine, ou encore le pipe Alger-Blida pour les produits dérivés. (II)-L'exploration avant le forage, c'est-à-dire les travaux de géophysique et de géologie. Cas travaux procurent les informations de base pour l'octroi de permis d'exploration. 3. En ce qui concerne l'octroi du permis d'exploration, l'élément critique de départ dans le développement des ressources naturelles (hydrocarbures dans ce cas), ce sont la gestion et l'octroi de permis d'exploration et/ou d'exploitation. Le permis donne le droit à la compagnie de forer, de produire et de disposer des ressources minérales dans un endroit donné et à partir d'une formation géologique donnée. Bien entendu, le permis concerne le pétrole et le gaz et donne le droit d'exploitation, non un titre de propriété. Le permis doit être octroyé selon une procédure d'offres compétitive. Où trouver les ressources humaines capables d'assumer ces tâches, en dehors de Sonatrach ? Combien faut-il de temps aux nouvelles agences pour devenir opérationnelles ? Les dispositions transitoires de la loi et les délais fixés pour le transfert des compétences sont-ils compatibles avec les exigences de mise à niveau des nouvelles organisations ? D'où la justification du retrait pour des considérations techniques. Il faut maintenant se consacrer (I) à restructurer Sonatrach, comme nous l'avons indiqué la semaine dernière, et travailler sous le contrôle du Conseil national de l'énergie à renforcer les capacités de la direction générale des hydrocarbures (II) à mettre à niveau le système de conservation et de gestion de l'environnement, y compris les manuels de procédures (III) à assurer la formation et le développement des ressources humaines (IV) à établir un plan de développement du gaz (V) à établir un plan de développement des hydrocarbures liquides (VI) à mettre en place un modèle national de consommation de l'énergie. C'est la meilleure voie que peut emprunter l'Exécutif pour gagner la confiance des partenaires sociaux et de la Nation ainsi que celle des partenaires étrangers. Reste qu'il y a toujours la lancinante question : qui doit supporter les conséquences des errements ? À jeudi prochain pour une autre question. Entre-temps, travaillons toutes et tous à élargir la base du dialogue sur l'Algérie. A. B.