Renouvellement par moitié des membres du Conseil de la nation : les candidats appelés à respecter l'éthique des pratiques politiques    Le président de la République entame une visite de travail historique à Oran    Cisjordanie occupée: poursuite des agressions sionistes pour le 26e jour consécutif à Tulkarem    Centres de formation au profit des citoyens concernés par la saison du hadj 2025    L'occupation marocaine empêche trois euro-députés d'entrer dans la ville sahraouie occupée    Le CREA lance l'initiative de réduction des prix durant le mois de Ramadhan    Attaf s'entretient avec son homologue russe    Début des travaux de la 19e session de l'APM à Rome    Le taux d'intégration des produits nationaux dans les usines de dessalement d'eau de mer a atteint 30%    Une nécessité impérieuse qui ne saurait être ajournée    Zerrouki inaugure à Sétif le premier Skills Center en Algérie    L'occupation marocaine empêche trois euro-députés d'entrer dans la ville sahraouie occupée de Laayoune    Ligue des Champions d'Afrique 2025 : MCA - Orlando Pirates d'Afrique du Sud aux quarts de finale    Délégation du médiateur de la République à Guelma : règlement "immédiat par téléphone" de 413 requêtes urgentes de citoyens en 2024    Bétail : importation prochainement de plus de 2 millions de doses de vaccin contre la fièvre aphteuse    Grand Prix Sonatrach 2025: Azzedine Lagab (Madar Pro-Cycling) s'impose devant ses coéquipiers    Une commission chargée de la préparation du scénario du film "l'Emir Abdelkader" en visite à Mascara    Espagne: un tunnel à Ceuta utilisé pour faire passer de la drogue en provenance du Maroc    Installation des commissions des Prix du président de la République "Ali Maâchi" et "Cadets de la culture"    Patrimoine culturel mondial algérien: rencontre scientifique avec des experts de l'UNESCO    Tennis de table : Plus de 150 pongistes jeunes attendus au 3e Open Fédéral    Benstiti retient 26 joueuses pour le Soudan du Sud    LG Algérie lance des promotions spéciales    «La justice sera intransigeante contre tout abus !»    Des entreprises sionistes exposent leurs armes à Abou Dhabi malgré les tensions    95 kg de cocaïne saisis et 39 dealers arrêtés    L'avis du médecin recommandé pour les diabétiques    L'imposture de la France qui affirme combattre la drogue au «nom de la santé publique»    Chaib participe à une cérémonie organisée par le Consulat général d'Algérie à Marseille    Ouverture d'une nouvelle ligne de transport de fret aérien entre l'Algérie et l'Arabie Saoudite    LFP : Abdellaoui et Saâd Abdeldjalil suspendus    Recueillement,hommages et projet de développement au cœur de la commémoration    Mosquée Essayida, la dame mystère    Mouloudji participe aux travaux de la 44e session du Comité de la femme arabe    CAN-2026 féminine: l'Algérie surclasse le Soudan du Sud (5-0)    Fidélité au sacrifice des martyrs        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'opposition face à l'assaut de l'alliance
Elections locales du 24 novembre en Kabylie
Publié dans Liberté le 05 - 11 - 2005

Ces élections tombent à point nommé pour permettre aux citoyens de la région de se donner des représentants et mettre ainsi fin à la détérioration de leur cadre de vie et à l'insécurité qui a explosé depuis le Printemps noir.
Cinq partis politiques animeront l'essentiel de la bataille électorale du 24 novembre. Par le nombre de listes qu'ils ont engagées dans la course, le FFS, le RCD, le FLN, le RND et, à un degré moindre, le MSP, se présentent comme les principaux concurrents en course. Deux partis d'opposition, le FFS et le RCD, connus au demeurant pour leur fort ancrage dans la région, et trois partis dont la caractéristique principale commune est leur appartenance à l'alliance présidentielle.
Ce mardi 18 octobre, jour de ramadhan, Tizi Ouzou suffoque. Il y règne une chaleur caniculaire. Sur les trottoirs déjà largement squattés par les marchandises en tous genres des vendeurs à la sauvette et, par endroits, par des tas d'immondices oubliées, les gens se bousculent. L'espace leur manque. À les voir jouer des épaules, on a l'impression que le temps aussi leur manque. Sur la chaussée, les voitures en font presque autant, ou presque. Un encombrement indescriptible, avec l'interminable concert de klaxons et les gaz d'échappement qui empestent l'air et supplicient les narines. Le nouveau plan de circulation n'a pas amélioré la fluidité du trafic. Les trémies aménagées récemment, au prix d'une défiguration du centre-ville, non plus. À Tizi Ouzou, la pollution a désormais une triple dimension : visuelle, sonore, atmosphérique. Comment en est-on arrivé là ? Il y a l'explication simple, voire simpliste, mais non dénuée d'objectivité : “La ville subit les conséquences des désordres provoqués par les événements qu'elle a vécus ces quatre dernières années.” Il y a l'autre explication, qui se veut plus élaborée : “L'administration et les autorités locales ont manqué d'initiative et de pugnacité et ont eu une attitude démissionnaire face aux effets induits par ces événements.”
Au-delà de la pertinence de l'une ou l'autre de ces explications, Tizi Ouzou a besoin aujourd'hui de représentants qui prennent sur eux de stopper le processus de désintégration physique, sociale, économique et politique de la cité.
Les élections partielles de ce 24 novembre tombent à point nommé, et cela n'échappe pas aux citoyens qui vérifient, chaque jour un peu plus, la détérioration continue de leur cadre de vie et qui constatent, par ailleurs, cette insécurité qui a fait un bond prodigieux ces dernières années. C'est dans les cafés, le soir venu, que l'on peut se rendre compte du ras-le-bol généralisé des gens et de leur volonté d'en finir avec une situation devenue intenable. C'est là aussi que le rendez-vous de ce 24 novembre reprend ses droits dans les discussions. Les journées de ramadhan, quant à elles, sont trop courtes. À 15 heures, au plus tard, il faut avoir fait acte de présence au travail et, exercice complexe, avoir fini de faire ses emplettes.
Aux sièges régionaux des partis politiques, par contre, l'activité est permanente, même si elle est plus intense le soir.
Une citadelle à prendre, un bastion à défendre
En Kabylie, et notamment à Tizi Ouzou, la donne n'a jusqu'ici jamais été démentie : le FFS et le RCD se sont toujours partagés l'électorat. Tous deux ont donc à cœur de défendre ce bastion qui est le leur. Mais en face, les partis de l'alliance voient en la région une citadelle à prendre.
On entend souvent dire, ici, que l'attitude de la population lors du référendum du 29 septembre dernier a encore confirmé que “rien n'a changé”, ou que la suprématie des deux partis est “intacte”. L'on se rappelle que le RCD et le FFS avaient appelé au boycott du référendum, que les partis de l'alliance et d'autres formations politiques avaient fait campagne en faveur de la charte présidentielle pour “la paix et la réconciliation nationale”, et que la Kabylie avait boudé les urnes à hauteur de 90%, selon les chiffres officiels. Pour les représentants du FFS et du RCD à Tizi Ouzou, c'est “un signe probant”. Boussad Boudiaf, le président du bureau régional du RCD rappelle que “sans que nous ayons eu à multiplier les meetings et alors que le FLN, le RND, le MSP, et pas seulement eux, avaient mobilisé leurs meilleurs tribuns et que Bouteflika lui-même s'était directement impliqué, la population a été sensible à notre appel et a massivement boycotté le référendum”. Il est convaincu que “sans un coup de force, sans fraude et sans partialité de l'administration, les partis de l'alliance présidentielle ont déjà perdu”. Aïssa Rahmoune, le secrétaire fédéral à la jeunesse du FFS à Tizi Ouzou n'en pense pas moins. “Nous avons appelé au boycott du référendum sur la charte de la honte et nous avons été entendus. Après cela, je ne vois pas comment le pouvoir va s'y prendre pour mener à terme sa tentative de mettre fin à ce que Zerhouni appelle l'exception kabyle”. Mais en quoi consiste cette exception kabyle, dans l'esprit du ministre de l'intérieur ? Réponse du responsable fédéral du FFS : “L'exception kabyle, c'est l'existence d'une vie politique et d'une conscience politique dans cette région. Aux yeux du pouvoir, c'est intolérable, d'autant qu'il croit avoir réussi à faire le vide partout ailleurs. C'est pour cela qu'il a enclenché un véritable processus d'éradication du politique en Kabylie.” C'est cela qui lui fait dire que la participation de son parti à cette course électorale est “d'abord politique, exactement comme en 2002”.
Une participation politique, voilà apparemment ce que ne veulent pas entendre les responsables du RND à Tizi Ouzou. Tous deux députés issus des élections législatives de mai 2002, boycottées aussi bien par le FFS que par le RCD, M. M Rabah Afir et Tayeb Mokadem, rencontrés au siège régional de leur parti, ne veulent surtout pas croire qu'il y a une similitude entre le référendum du 29 septembre et les partielles du 24 novembre. “Les problèmes de proximité que vivent les citoyens dans leur vie quotidienne n'ont rien à voir avec un référendum sur la paix ou la réconciliation”, disent-ils. Mais pourquoi, dans ce cas, avoir assuré aux citoyens que la solution à leurs problèmes était conditionnée par le retour de la paix ? “Bien sûr que nous avons besoin de stabilité et de sécurité pour travailler”, répond M. Afir. “Ce que nous voulons dire, c'est que cette fois-ci, et contrairement au 29 septembre, les gens sont appelés à voter pour des personnes qui vivent avec eux, au quotidien et non pas pour des partis”, enchaîne son collègue. “Dans une élection comme celle-ci, personne ne peut être sûr de gagner”. Si le RND croit en une victoire, c'est parce qu'il a présenté, selon ses représentants à la ville des Genêts, de “bons candidats”. “Environ 70% de nos candidats sont universitaires, nous avons entre 10 et 15 femmes sur nos listes, dont une est troisième sur notre liste APW”. “De plus, nous avons établi nos listes en essayant de respecter un certain équilibre entre les villages et les tribus”, font encore savoir les deux députés. À leurs yeux, c'est là “un atout qui va jouer” en faveur de leur parti. Mais les représentants du parti du Chef du gouvernement reconnaissent qu'ils partent tout de même avec une certaine contrainte, celle d'être “taxés de parti du pouvoir”. Taxés seulement ? “Oui, taxés seulement”, répond M. Afir. “Sachez que nous n'arrivons pas à nous acquitter des redevances du loyer de ce siège, et que nous risquons une expulsion”, ajoute-t-il. “C'est donc notre présence au gouvernement qui nous vaut cette étiquette, mais sachez que nous n'en tirons aucun avantage financier”, regrettent-ils. Mais comment, dans ces conditions, le parti va-t-il mener sa campagne ? “Pour le moment, nous fonctionnons avec les cotisations de nos militants, mais je tiens à rassurer nos candidats : nous attendons des milliards qui viendront d'Alger pour la campagne”, répond le député RND. Les deux députés ne pensent pas que la fin de non-recevoir opposée par Bouteflika et la fin en queue de poisson du dialogue entre Ahmed Ouyahia et le groupe de Belaïd Abrika risquent de peser en défaveur de leur parti. Pour deux raisons : la première est que, selon eux, “les gens sont fatigués et ne s'intéressent pas à l'officialisation de tamazight”. La seconde est que, de toutes façons, “le dialogue va reprendre”. Là-dessus, M. Afir insiste : “Je tiens à vous rassurer : personne n'est venu nous voir pour s'inquiéter du statut de tamazight.” C'est censé nous rassurer mais c'est sans le FFS et le RCD qui ont de quoi jubiler : ils savent ainsi qu'ils restent les seuls destinataires des doléances des citoyens, tout au moins celles qui portent sur la revendication linguistique et qui polarisent l'attention du plus grand nombre. Les certitudes de ces deux parlementaires cuvée 2002 sont d'ailleurs contrariées par la réalité du terrain.
Le RND sur un terrain difficile
Pour qui veut apprécier l'état d'esprit de la population de la ville des Hammadites, la place Gueydon est incontournable. En cette soirée de Ramadhan du samedi 15 octobre dernier, les terrasses des cafés mitoyens de la vaste place sont bondées. Ici, tant de jeunes se sont donné la mort ces dernières années. La place Gueydon est à Béjaïa ce que sont les Ponts suspendus à Constantine : un lieu de prédilection pour les candidats au suicide. Mais ce soir, autour des tables, on évoque des candidats d'un autre type. Les discussions ne portent pas seulement sur le prochain derby footballistique bougiote qui va opposer, dans une semaine, les deux clubs phares de la ville, le MOB et la JSMB, tous deux… candidats à l'accession en première division. Les échanges finissent fatalement par aborder les élections locales et… les candidats à l'accession au pouvoir local. Fatalement car les Bougiotes ne comprennent pas qu'une ville comme la leur, forte de 180 000 habitants, ne soit pas représentée par un club au sommet de la hiérarchie du football national. Fatalement aussi, car on est convaincu ici que “la JSMB et le MOB sont réduits à végéter en raison de l'absence de soutien des autorités locales”. Le football est quelquefois une porte d'entrée dans le politique. Fatalement enfin, car les gens de Béjaïa se rendent à la place Gueydon indépendamment de leurs appartenances politiques ou de leurs sympathies. Un vrai parlement. Une admirable tolérance aussi. Il vous suffit de connaître une seule personne pour participer aux débats. La présence sur les lieux de Djamel Ferdjallah, vice-président du RCD, est par conséquent une aubaine.
C'est là, à l'issue d'une discussion à bâtons rompus et en aparté, discrétion oblige, qu'un cadre local du RND qui a requis l'anonymat a lâché, amer : “Avec son discours de Constantine, Bouteflika nous a poignardés.” Lui-même candidat “par devoir” à l'égard de son parti, il avoue que le RND n'a pas pu intégrer dans ses listes des gens qui ont bonne presse auprès de la population. “J'en connais qui ont refusé de marcher avec nous à cause du refus de Bouteflika d'officialiser tamazight. Vous savez, les gens ne sont pas prêts à vous soutenir, encore moins à vous accompagner au moment même où vous essuyez un tel affront. Regardez les délégués dialoguistes de la CICB (Coordination intercommunale des citoyens de Béjaïa, ndlr), ils refusent de rencontrer de nouveau Ouyahia. C'est un signe, non ?” c'en est un, sans doute. À Fréha, une importante commune de la wilaya de Tizi Ouzou, et où l'aile dialoguiste des archs avait pignon sur rue, le RND a fait choux blanc. Une liste que devait conduire un ancien chef de daïra originaire de la région n'a pu être complétée. Assurément, la Kabylie se présente comme un terrain difficile pour le parti du Chef du gouvernement qui n'a pas la chance du FLN, lequel peut compter sur ses réseaux traditionnels. Le candidat du RND ne s'arrête pas là. Il évoque d'autres raisons à son amertume. L'une d'elles est que, selon lui, “des gens du FLN viennent se recycler au RND, alors qu'il est temps de les renvoyer chez Belkhadem s'il veut encore d'eux”. Décidément, on est loin de l'image idyllique qu'offre l'alliance présidentielle à chacun de ses sommets à Alger. Notre interlocuteur n'y croit d'ailleurs pas. “Qui me dit que le discours constantinois du Président n'était pas spécialement destiné à casser le RND au profit du FLN ?” se demande-t-il.
La question n'est certainement pas sans fondement au vu de la guerre feutrée que se livrent les deux partis au plus haut niveau. Une guerre feutrée certes, mais souvent révélée au grand jour par les déclarations irrémédiablement contradictoires de Belkhadem et Ouyahia. Il faut toutefois se garder d'envisager un quelconque “prolongement kabyle” aux polémiques en cours à l'intérieur de l'alliance présidentielle. Ici, la révision ou non de la Constitution, puisque c'est là l'objet le plus en vue des dissensions actuelles entre le RND et le FLN, n'est guère à l'ordre du jour. Tous deux soucieux de déloger le RCD et le FFS du pouvoir local, le MSP ne pouvant prétendre qu'à un rôle secondaire, l'un et l'autre nourrissent l'ambition de “gérer la Kabylie” pour le compte du pouvoir. Ce ne serait pas sans effet sur les rapports de force au sommet. Ils savent toutefois que la prise du pouvoir local en Kabylie passe par la mise sur la touche du FFS et du RCD.
La campagne anticipée du FLN
C'est dans ce but que le FLN a battu le record en nombre de listes lancées dans la course. Une première. Mais également un signe des temps : aussi bien à Béjaïa où il est en course dans 48 communes sur 52 qu'à Tizi Ouzou où il fait carrément le plein en postulant au pouvoir local dans les 67 municipalités de la wilaya. Il faut remonter à l'époque du parti unique pour trouver trace d'une telle omniprésence du plus vieux parti algérien.
Lancée avant l'heure, sa “campagne de proximité” ne manque pas de révéler son intention de tenter un passage en force. Selon Djamel Ferdjellah, ancien député du RCD, “il y a des signes qui ne trompent pas et la liste FLN pour l'APC de Béjaïa a déjà donné le ton : la campagne de ce parti sera une version miniaturisée de la campagne du président-candidat en 2004”. Les faits ne manquent pas qui justifient les dénonciations du vice-président du RCD.
Il y a d'abord la composante de la liste FLN et les circonstances de sa confection. Constituée en majorité de non-militants, cette liste était voulue “indépendante”. Le FLN local n'étant pas parvenu à confectionner sa propre liste, tout consensus s'étant révélé impossible, il a été décidé in extremis de coiffer les “indépendants” de la casquette FLN et de leur joindre trois ou quatre militants de ce parti pour faire vrai. Et le tour était joué.
Il y a ensuite “le travail généreux” mené sur le terrain par le candidat en tête de liste, M. Abdelhafid Bouaoudia, patron de Bougie viande, une société spécialisée dans l'importation et la commercialisation de la viande congelée. Chaque soir, à l'heure du F'tour, 450 à 500 repas sont servis gracieusement dans son restaurant. Les mauvaises langues appellent cela “les dîners meetings de Bougie viande”. Les quartiers de la ville sont, à tour de rôle, régulièrement servis. Gracieusement aussi. La distribution se fait souvent en présence du candidat maire. “C'est important”, ironisent les mêmes mauvaises langues.
Mais M. Bouaoudia fait aussi dans… “l'animation culturelle ramadhanesque”. Les places publiques de la ville sont envahies, tous les soirs du mois du jeûne, par des jeunes avec tee-shirts et casquettes frappés du sigle de Bougie viande. Leur mission : faire la fête. Tout y passe, disque-jockey, zorna, danse. C'est censé faire danser, mais ce soir à la place gueydon, c'est à l'arrivée de ces troubadours des temps modernes que les terrasses des cafés commencent à se vider. Il faut dire que la musique diffusée à pleins décibels est indigeste.
Les circonstances inédites de sa désignation à la tête de la liste FLN n'auront pas permis à M. Bouaoudia de nous en dire plus. Encore moins de défendre sa démarche, éventuellement, ou de rectifier la version de la rue, le cas échéant. Régulièrement absent de la mouhafadha “en raison du courroux que son parachutage a suscité chez les militants du FLN”, selon un militant du parti, il est rarement visible au siège de Bougie viande car “trop pris par ses sorties sur le terrain”, selon l'un de ses employés.
Choix délibéré ou pur hasard, un des candidats FLN les plus en vue à Tizi Ouzou, Slimane Kerrouche, est également un professionnel de la restauration. Elu à l'APW en 2002, il est patron de l'établissement privé Forest, spécialisé dans le catering. Faire une campagne de chair et de chant ne l'intéresse visiblement pas, contrairement à son homologue de Béjaïa.
FFS : un bilan, un passif… et de la sérénité
Il se fait discret, se limitant à passer ses soirées à la maison de la culture Mouloud- Mammeri dont le directeur compte au nombre de ses amis. Sans doute craint-il une sorte d'effet boomerang, dans cette Kabylie où les citoyens “ne sont pas des tubes digestifs”, selon la formule de M. Nasser Mouhoubi, tête de liste du parti de Hocine Aït Ahmed à Béjaïa, qui assimile les méthodes de son adversaire FLN à “du folklore d'un autre âge”. “J'ai confiance en les enfants de Bgayet, ils savent que nous sommes victimes d'un coup de force juridique, c'est eux qui vont nous rendre justice”, jure-t-il, comme pour signifier la vanité des pratiques du FLN. Au FFS, on ne craint pas un éventuel vote sanction que lui vaudrait sa participation aux élections locales de 2002. Des élus d'octobre 2002, étiquetés “indus”, sont encore candidats sur les listes du parti. Il est vrai qu'ici, la direction du FFS a pris le soin de “vider” de sa liste son ancien maire, Rachid Chabati, initialement retenu et confirmé par la fédération de Béjaïa. M. Mouhoubi jure que cela s'est fait avec le consentement de ce dernier. “Il s'est entretenu avec nos responsables à Alger qui l'ont convaincu de se retirer pour permettre une alternance à la tête de l'APC”, explique-t-il. Mais une déclaration, rendue publique cinq jours auparavant et signée par le premier secrétaire de la section communale qui n'est autre que M. Mouhoubi, renseigne sur le malaise engendré par l'éviction de l'ancien maire. Tout en saluant “le sens élevé du militantisme du camarade Chabati”, la déclaration n'en dénonce pas moins “des individus, instruments utilisés dans le complot ourdi contre les véritables militants (…)” et “le travail fractionnel entrepris(…) pour remodeler la représentation politique de la région au profit de la maffia politico-financière locale”. Quant on sait que la candidature de M. Chabati était soutenue par le premier responsable de la fédération de Béjaïa, les militants du FFS ont de quoi craindre le pire. Pour autant, Nasser Mouhoubi se dit serein.
Mais d'où le FFS tient-il donc une telle assurance ? “Nous avons notre bilan et notre programme”, répond M. Tadja, précédemment vice-président de l'APC et actuel candidat.
Mais le bilan, il va falloir le défendre et la partie n'est pas gagnée d'avance. Les bougiotes ne l'applaudissent pas forcément. Béjaïa manque de tout : pas de gare routière, pas de marché digne de ce nom, pas même de… toilettes publiques dans toute la ville. Et la décharge de Boulimat est toujours là, insultant la mer et polluant un site qui aurait pu prétendre à un meilleur sort. “Tous ces problèmes sont inscrits dans notre programme”, assurent les candidats FFS. Mais il y a problème : le FFS a régné sur la ville depuis 1997.
Il est d'ailleurs significatif d'entendre les responsables locaux du RCD affirmer qu'ils ont, quant à eux, “l'avantage de n'avoir jamais géré la ville”. Quel meilleur argument pour se laver les mains et dégager toute responsabilité quant au cadre de vie “délabré” que dénoncent les citoyens ?
RCD : le retour des anciens
Dimanche 16 octobre. Il est 22 heures et, au siège régional du RCD à Béjaïa, une réunion des candidats à l'APW, présidée par Saïd Azamoum qui conduit la liste du parti, vient de se terminer. À l'ordre du jour, la stratégie de campagne et la mise sur pied d'une commission de rédaction du programme électoral. À peine la séance levée qu'une délégation de citoyens d'une dizaine de personnes fait irruption au siège. Ce sont, en fait, des membres de l'association des 792-Logements du quartier Sidi-Ahmed, au pied de Gouraya, qui en compte 4000. Ils sont venus se plaindre. À les écouter, il y a de quoi. “Notre quartier est un chantier qui dure depuis les années 80, pas d'assainissement, pas d'espace vert, pas d'aire de jeux, pas de centre culturel, pas de mosquée, pas de transport”. Les candidats RCD écoutent et prennent note. Le chef de la délégation est hors de lui. “Nous avons frappé à toutes les portes, mais il était plus facile d'accéder au commissariat de police qu'à la mairie”, dit-il.
Les candidats rappellent qu'ils n'y sont pour rien et s'engagent pour une visite à Sidi-Ahmed pour le surlendemain dans la soirée. Mais les délégués du quartier tiennent à préciser l'objet de leur démarche. “Nous voulons un engagement écrit de votre part pour une future prise en charge de nos doléances. En contrepartie, vous aurez nos voix”.
Décidément, c'est toujours un atout que de n'avoir rien à sa reprocher. Mais les représentants du parti de Saïd Sadi n'en font pas une fixation. “Nous avons d'autres atouts à faire valoir”, dira Djamel Ferdjellah. “À commencer par notre programme et notre détermination à prendre les problèmes des citoyens à bras-le- corps, comme nous l'avons fait dans toutes les communes que nous avons remportées en 1997”. L'ancien député assure que son parti a choisi ses candidats en fonction de leur engagement et de leur capacité à manager les communes. À Béjaïa, c'est Saddek Aïssanou, 50 ans, docteur d'état en électronique et enseignant à l'université qui conduit la liste. Militant du RCD depuis son retour d'Allemagne en 1995, il a été notamment à l'origine de la création de la ligue de ski et sports de montagne, membre fondateur de la section du Cnes (Syndicat des enseignants du supérieur) de Béjaïa qu'il a présidée de 1996 à 2000. À Tizi Ouzou, c'est aussi un sportif, Mourad Derridj, l'ancienne coqueluche de la JSK, que le parti a choisi pour mener sa liste. Ici comme à Béjaïa, les responsables du RCD soulignent avec force la présence de “plusieurs anciens militants de valeur” sur leurs listes. “Les anciens élus de 1990 opèrent un retour remarquable”, affirme Boussad Boudiaf. Mais pourquoi s'étaient-ils retirés et comment expliquer ce retour massif ? “À mon avis, un parti qui, chemin faisant, ne se délesta pas des opportunistes qui ont pu gagner ses rangs, n'a pas d'avenir. Le RCD a su se débarrasser de ses brebis galeuses et cela a été vu par les anciens qui s'étaient retirés, à l'exemple de Saïd Yahiatène de Boghni, à cause de ces mêmes brebis galeuses”, explique M. Boudiaf.
Pour le RCD, comme pour le FFS, “défendre le bastion” face aux appétits des partis de l'alliance et de “leurs relais locaux” passe par une mobilisation des électeurs, mais aussi par une vigilance à toute épreuve. S'il n'a pas été possible d'aller à ce scrutin avec des listes communes, on assure chez l'un et chez l'autre partis qu' “une surveillance solidaire des urnes est utile sinon nécessaire”.
En Kabylie, le décor est planté : cinq partis politiques animeront l'essentiel de la bataille électotrale du 24 novembre. Par le nombre de listes qu'ils ont engagées dans la course, le FFS, le RCD, le FLN, le RND et, à un degré moindre, le MSP se présentent comme les principaux concurrents en course. Deux partis d'opposition, le FFS et le RCD, connus au demeurant pour leur fort ancrage dans la région, et trois partis dont la caractéristique principale est sans nul doute leur appartenance à l'alliance présidentielle. Cela confère à ce scrutin un cachet de bataille électorale classique. Et comme celui-ci se tient en Kabylie, une région depuis toujours au cœur de la vie politique nationale, son caractère partiel ne vaut que par sa dimension géographique.
S. C.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.