Détente. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a été reçu hier par le président Tebboune à la faveur d'une visite qui vise à "renouer une relation de confiance". Un déplacement qui met un terme à deux mois de crispation dans les relations algéro-françaises. Dégel. Rompue avec fracas, la ligne Alger-Paris est rétablie. Les deux capitales reprennent langue après deux mois d'une crise sans précédent frôlant une rupture diplomatique. La visite effectuée, hier à Alger, par le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, marque ainsi le début d'un retour à l'apaisement dans les relations entre l'Algérie et la France. Préparé dans la grande discrétion, le voyage du patron du Quai d'Orsay en Algérie vise à "relancer et à renouer une relation franco-algérienne" traversée depuis début octobre par de "vives tensions", assure Paris. Un premier pas qui permet sans nul doute de "calmer le jeu" pour dissiper ensuite la tension née à la suite des propos tenus par le président Emmanuel Macron sur la nature "politico-militaire" du régime algérien et, surtout, son interrogation sur l'existence de la nation algérienne. En recevant Le Drian "chalereusement", Alger semble signifier à Paris qu'elle est aussi disposée à "passer à autre chose". Connu pour sa modération, celui qui fut ministre de la Défense sous Hollande fait partie des dirigeants français qui passent le mieux en Algérie, où il est régulièrement "accueilli" depuis 2012. À la sortie de sa rencontre avec le chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune, le ministre français a exprimé le vœu de voir les deux pays reprendre la voie de l'apaisement et de rétablir le dialogue politique. "Je souhaite que nos deux pays reprennent ensemble la voie d'une relation apaisée et puissent regarder vers l'avenir", a-t-il déclaré. "Et que le dialogue que nous relançons aujourd'hui puisse conduire à une reprise des échanges politiques entre nos deux gouvernements en 2022 au-delà des blessures du passé que nous devons regarder en face au regard des malentendus qu'il nous revient de dépasser", a-t-il encore ajouté. Mesurant le poids des rapports entre les deux pays et l'impérieuse entente qui doit les structurer, le ministre français des Affaires étrangères a rappelé la nature du "partenaire essentiel pour la France" qu'est l'Algérie au plan bilatéral, mais également sur le plan régional. Il est, en effet, difficile d'aborder les dossiers explosifs du Sahel et de la Libye si Alger et Paris ne sont pas en accord. Le ministre français a réaffirmé cette nécessité à l'occasion de sa visite. À ce propos, il a fait savoir que le deux pays se sont entendus pour "continuer à coordonner nos initiatives diplomatiques pour favoriser le processus de transition politique en Libye. Nous avons également fait le point sur la situation au Mali où l'Algérie joue un rôle important", a-t-il indiqué. "La France et l'Algérie font face ensemble à des défis majeurs dans un environnement régional et international incertain. Nous devons être en mesure de proposer des réponses opérationnelles aux défis que représente le terrorisme dans la région sahélienne", a rappelé le chef de la diplomatie française. Conscient des implications d'une crise diplomatique durable avec l'Algérie, Le Drian a voulu faire de son déplacement algérois une opportunité pour tourner la page de la tension pour mieux avancer sur les dossiers lourds. Il a ainsi exprimé le souhait de son pays "de travailler à lever les blocages et les malentendus qui peuvent exister entre nos deux pays", en assurant qu'au cours des échanges qu'il a eus avec la partie algérienne, il a été convenu "de reprendre un certain nombre de coopérations". Du côté algérien, si aucun commentaire n'a filtré sur le sens à donner à la visite de Le Drian, il va sans dire que depuis le déclenchement de la crise, Alger a attendu que la France fasse ce premier pas pour rétablir le dialogue politique direct avec Paris. "Il est important que les deux gouvernements reprennent langue et calment un peu le jeu car ce sont deux partenaires aussi proches et qu'ils ne peuvent ni ne doivent se tourner trop longtemps le dos ni rester en froid sans mettre en péril des intérêts essentiels", a expliqué, sous le sceau de l'anonymat, un diplomate algérien aujourd'hui à la retraite. "C'est une occasion pour remettre à plat l'ensemble de la relation algéro-francaise. Cela nécessite une réelle volonté politique et surtout un climat apaisé", ajoute-t-il. En somme, après ce voyage-déminage, les deux chefs d'Etat, Tebboune et Macron, peuvent reprendre "tranquillement" le contact direct comme ce fut le cas durant plus de deux ans et redonner au couple algéro-français toute sa vigueur. Mais si les mots sont importants- c'est le propre même de la diplomatie-, il reste que sans actes concrets qui vont dans l'intérêt des deux pays, les relations risquent de retomber dans la banalité. C'est justement ce que les deux parties doivent éviter. Peut-être que la tempête qui a fortement secoué les relations entre Alger et Paris aura été une opportunité de repartir sur de bonnes bases. Il faut attendre le deuxième pas pour le savoir.