Résumé : La route s'allonge et Mordjana est incommodée. Plusieurs pauses ont été observées. Les hommes descendent pour prendre un café et se dégourdir les jambes. Maroua et Malika aussi. Mais la mariée ne devrait pas s'exposer aux regards étrangers. Pourtant sa belle-sœur propose une solution. Mordjana hésite encore. - Heu... tu crois que c'est raisonnable ? Malika lui pince le bras. - Ce qui n'est pas raisonnable, c'est plutôt tes hésitations. Je ne crois pas que quiconque nous en voudra pour un geste aussi naturel. Allez, fini les chichis. Tu avais envie de vomir, n'est-ce pas ? Je ne pense pas que tu pourras te retenir bien longtemps. Le chauffeur ne sera sûrement pas content de voir son véhicule sali par du vomis, même si c'est celui d'une jolie mariée. Mordjana se décide enfin. Elle descend du véhicule et s'accroche au bras de sa sœur. Malika les suit, et elles se dirigent toutes les trois vers le bosquet indiqué. La jeune fille peut enfin rejeter toute l'acidité qui torturait son estomac et se sent tout de suite soulagée. Elle prend ses aises, se soulage, aspire une longue goulée d'air et remet son burnous, avant de faire signe à ses accompagnatrices de la raccompagner jusqu'au véhicule. Tout en marchant, elle jette un coup d'œil alentour et remarque que sa belle-mère dort profondément et que les hommes se sont éloignés. Tant mieux, se dit-elle, personne ne viendra les harceler. Malika lui sourit. - Ne t'inquiète donc pas, Samir n'en saura rien, je te le promets. Mordjana peut enfin prendre quelques gorgées de thé et boire de l'eau fraîche. Elle se sent bien mieux et prête à reprendre la route. Maroua lui tend un gâteau, et elle se rend compte qu'elle avait réellement faim. Etait-ce la présence rassurante de Malika qui lui rendait son appétit, et surtout sa confiance en elle-même ? Elle regarde sa belle-sœur et lui demande d'une petite voix : - Malika. Heu... as-tu déjà parlé de moi à Samir ? Cette dernière hoche la tête. - Oui, bien entendu. Il n'avait cessé de me questionner sur toi. Tu penses bien que j'ai dû satisfaire sa curiosité. - Et... et qu'as-tu donc raconté ? Malika prend une lente inspiration avant de répondre : - Je lui ai dit la vérité. - Hein ? Tu veux dire que tu lui as parlé de ma tache de vin ? - Oui. Et pas seulement de ça. Je lui ai dit que tu étais très mignonne, instruite, et que toute la maison reposait sur tes épaules. Mordjana déglutit. - Il me connaît donc déjà un peu. Elle soupire. - Mais moi je ne connais rien de lui. Malika sourit. - Ne t'inquiète pas, Mordjana. Samir est un type bien. Dans quelques heures, tu verras que je ne t'ai pas menti. La jeune fille sent son cœur cogner contre son thorax. Dans quelques heures, elle sera la femme légitime d'un homme qu'elle ne connaissait pas. Qu'elle va découvrir. Qu'elle va peut-être apprécier aussi. Cependant, les circonstances de leur mariage n'étaient pas pour la rassurer. N'était-elle pas un objet de troc ? Son père avait trouvé en elle le moyen de payer ses dettes. Et son beau-père, l'alternative de marier son fils, sans trop de dépenses. Tous les deux n'avaient pensé qu'à leurs intérêts réciproques. - Allons, Mordjana, ne fais pas cette tête, mon frère saura te rendre heureuse, j'en suis certaine. Les hommes reviennent. Malika s'esquive, et Maroua aide sa sœur à se camoufler dans son burnous et à remettre son voile. La journée s'étire. On est déjà en fin d'après-midi. Le crépuscule ne va pas tarder à les surprendre. Au fur et à mesure qu'on s'approche des villes du Nord, l'air devient plus doux. Après la chaleur de la journée, Mordjana apprécie la brise fraîche qui pénètre par la vitre légèrement baissée.
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