Une année à mettre aux oubliettes ? Probablement. Et pour beaucoup au regard des séquences, parfois douloureuses, qui ont rythmé l'année qui s'achève. À la pandémie qui a fauché des centaines de vies et endeuillé de nombreuses familles s'est ajouté un raidissement du pouvoir et des tragédies, comme celle du manque d'oxygène ou encore les incendies qui ont ravagé particulièrement la Kabylie et l'assassinat abject du jeune Bensmaïl. Une situation aggravée par une dégradation sans commune mesure du pouvoir d'achat des ménages. Seuls et rares motifs de satisfaction dans ce sombre tableau : le formidable élan de solidarité dont on fait preuve les Algériens et la diaspora durant les journées d'enfer subies par la Kabylie et l'éphémère bonheur procuré par le succès de l'équipe nationale en Coupe arabe. Faut-il dire pour autant que l'année qui arrive sera moins éprouvante et pleine de promesses ? S'il faut sans doute se garder de se hasarder à quelques prédictions, il reste que les défis qui attendent le pays sont multiplies. À commencer par la résolution de la crise politique dont beaucoup s'accordent à dire qu'elle détermine dans une large mesure le redressement du pays et la mise en perspective de toutes les autres réformes envisagées. Mené au pas de charge depuis l'élection présidentielle de décembre 2019 dans des conditions que l'on sait, l'agenda politique du pouvoir, s'il a permis une normalisation institutionnelle, n'a pas réussi pour autant l'essentiel : rétablir la confiance de la population et l'image écornée d'un système abîmé par des décennies de rapine, de corruption et d'absence de justice sociale. Alors que l'on s'attendait à une éventuelle ouverture en direction du Hirak, notamment après la "main tendue" promise par Abdelmadjid Tebboune, c'est plutôt à une reprise en main musclée de la situation à laquelle on a assisté, comme en témoignent les dizaines de détenus qui croupissent en prison, dont des responsables politiques. Hormis quelques consultations avec des responsables de partis dont la plupart ont été brocardées durant les manifestations du Hirak, aucune initiative politique d'envergure de nature à susciter l'intérêt de la population et à provoquer une dynamique n'a été envisagée par le pouvoir. Encore moins de gestes d'apaisement de nature à créer les conditions pour un climat de confiance nécessaire à un retour à une vie politique sereine. Pourtant, le constat est unanime : aucune réforme sérieuse et audacieuse ne peut aboutir sans l'adhésion de la population. Et aucune sortie de crise n'est possible sans un sérieux diagnostic de la situation, ses causes et un regard lucide sur les mutations opérées au sein de la société et les ambitions portées par des millions d'Algériens dans la rue. En s'appuyant sur des partis rejetés par la population pour mener à bon port sa feuille de route, le pouvoir n'a fait en définitive que renforcer la défiance, comme on a pu le voir avec les taux de participation rachitiques aux différentes consultations électorales organisées. Signe peut-être de cette défiance : l'incapacité de certains segments au sein de l'administration à donner un prolongement et accompagner ce qui est décidé par l'Exécutif. Et c'est le chef de l'Etat lui-même qui s'en est plaint. Dès lors, la question est de savoir sur qui les autorités vont désormais s'appuyer pour engager les réformes que la situation et la conjoncture imposent ? Handicapé par un déficit de légitimité, encombré par ses soutiens traditionnels qui non seulement sont discrédités, mais aussi embourbés dans des crises internes, réfractaire pour l'heure à ouvrir un sérieux dialogue avec l'opposition et tous les acteurs de la société civile, le pouvoir se retrouve dans la posture d'un joueur soliste. Va-t-il se résoudre à changer d'approche ? Compte tenu du climat politique général et de la persistance du verrouillage et des entraves aux libertés, rien n'indique pourtant qu'un nouveau cap se dessine dans l'immédiat. Mais au vu des enjeux de l'heure et des défis auxquels le pays est confronté, de nouveaux paradigmes de gestion politique s'imposent assurément. Des révisions déchirantes apparaissent comme impératives.