■ Etudiante en éducation physique et sportive à l'université Badji-Mokhtar d'Annaba, Inès Abdelmoumène est artiste peintre. Pendant les vacances et les jours fériés, elle change de casquette et se dirige vers le centre-ville pour prendre place confortablement sous un arbre sur le Cours de la révolution. Crayon à la main, elle s'applique à réaliser les portraits commandés. Elle lève à peine les yeux par moments pour répondre aux questions, expliquer aux passants le sens de ses peintures, donner le prix ou faire un joli sourire pour une photo, dans le but de se faire connaître ou, pourquoi pas, de vivre de sa passion. Accompagnée de sa sœur qui confectionne et vend des bracelets, Inès est remarquable ; elle a la patience d'une commerciale bien formée, l'amabilité d'une fille bien élevée et le courage de la femme algérienne combattante. Un seul tableau est exposé sur le chevalet, les autres peintures étant posées par terre, pendant que les portraits sont empilés les uns sur les autres. Souriante, elle explique : "J'ai commencé par vendre mes tableaux sur les réseaux sociaux à travers Facebook et Instagram. Je suis sortie plus tard à la rencontre des gens pour plus de réactivité et par souci de rentabilité. À défaut de pouvoir louer un local décent, j'ai atterri ici." Elle ajoute : "Je dessinais sur les t-shirts puis sur les murs dans le cadre d'actions caritatives, j'ai participé à des expositions et j'ai même gagné le concours international Katara du roman et des Beaux-Arts en 2020 pour la couverture du roman non publié A cup of coffee and a croissant." Malgré les inconvénients de travailler dans un espace public, Inès rapporte joyeusement le ressenti des passants : "Les gens s'arrêtent pour m'encourager, ils sont contents de me voir travailler ici, ils aimeraient voir le Cours de la révolution rempli d'artistes." Inès est artiste de rue ! Comme à Istanbul, à Paris ou dans d'autres villes touristiques, les rues d'Annaba ne méritent-elles pas d'être parées d'artistes ? La ville de cheikh M'hammed El-Kourd, de Hassen El-Annabi, de Hamdi Bennani et de Djanet Hebrih-Dahal regorge de jeunes talents. Elle est même dotée d'un institut de formation musicale et d'une école régionale des Beaux-Arts. Un tel projet pourrait embellir la ville, attirer les touristes et laisser les jeunes talents s'exprimer tout en leur garantissant une source de revenu journalière. Interviewé par Liberté, l'écrivain Brahim Badi explique : "C'est bien dommage de constater que cette forme d'expression est absente à Annaba. Et pourtant ! Notre ville a les ressources nécessaires pour devenir une ville-pilote pour ce projet. Au lieu de cela, nous avons, hélas, une sorte de folklore occasionnel dirigé qu'on ne peut pas qualifier d'art de rue, il n'a pour objectif que la célébration d'événements officiels." Certes, Inès est une artiste qui peint et dessine dans la rue. Mais peut-on la qualifier d'artiste de rue, tant que ce projet n'existe pas ? Les élus APC et APW nouvellement installés sont pleins de bonne volonté pour servir la ville et redonner à Annaba et à ses jeunes tout le bien qu'ils méritent. Penseront-ils à développer ce créneau ? À ne pas confondre l'art de rue évoqué avec l'art urbain ou "street art" qui, lui, se définit comme étant l'art des endroits publics, celui qu'on retrouve dans les rues, sur les murs. Il se présente sous diverses formes : graffiti, graffiti au pochoir, création d'affiches, pastel et même projection vidéo. Les artistes urbains s'expriment avec une prise de risque et un engagement politique qui donnent un caractère subversif que recherchent les artistes, parfois même désespérément.