De l'avis de Charfi, “la justice est souveraine et elle est seule habilitée à se prononcer dans l'affaire des détenus en établissant les faits et en poursuivant les personnes qui en sont coupables”. La libération des délégués détenus du mouvement citoyen dépend de la seule grâce présidentielle. C'est, en somme, ce qui ressort de la réponse de Mohamed Charfi, ministre de la Justice, garde des Sceaux, jeudi dernier, à l'Assemblée populaire nationale (APN) après avoir été interpellé par un député du Parti des travailleurs (PT) sur le retard pris dans l'annonce de mesures d'apaisement en faveur de la Kabylie, notamment en libérant les détenus. Pour le ministre, la libération des détenus ne saurait venir de son département, car cette décision est “tributaire de la grâce qui est la prérogative du seul président de la République”, a-t-il déclaré en substance devant les députés lors d'une séance plénière consacrée aux questions orales. L'argument avancé par Charfi pour étayer ses dires est que “les personnes ayant fait l'objet de poursuites judiciaires en Kabylie ont enfreint la loi” et “la loi dans toute sa rigueur leur sera appliquée comme pour tout le monde d'ailleurs dans pareille situation”. Voulant à l'évidence signifier la non-interférence du “pouvoir politique” dans l'instruction judiciaire, le ministre, par ailleurs ex-conseiller juridique auprès du président Bouteflika, dira dans le même temps que “l'Etat ne peut intervenir pour influer sur son cours (justice, ndlr)”. De l'avis de Charfi, “la justice est souveraine et elle est seule habilitée à se prononcer dans l'affaire des détenus en établissant les faits et en poursuivant les personnes qui en sont coupables”. Il ajoutera que la motivation ayant prévalu dans la prise de décision de son département est “l'indépendance de la justice et l'Etat de droit”. Libre à M. Charfi de justifier l'incarcération des détenus du mouvement citoyen par “l'Etat de droit et l'indépendance de la justice”, le fait est qu'il est de notoriété publique qu'il est complètement faux de considérer que la justice est indépendante dans notre pays. De plus, c'est bien le pouvoir politique et non la justice qui a décidé d'enclencher la chasse aux délégués à un moment donné et de les incarcérer par la suite. De toutes les façons, la question de la crise en Kabylie ne relève pas du département de M. Charfi, mais bien du pouvoir politique. La libération des détenus, y compris par la voie d'une grâce présidentielle, ne devra intervenir que dans le cadre d'un règlement politique de la crise. Par ailleurs, le ministre de la Justice vient d'annoncer que les “portes du dialogue avec le Chef du gouvernement demeurent ouvertes”. Sauf qu'à chaque fois qu'Ali Benflis tente d'avancer dans cette voie, Zerhouni et sa police viennent faire capoter l'initiative en intensifiant les “déclarations guerrières”, la répression et les arrestations sur le terrain. N. M.