Combien sont-ils ces artistes et écrivains kabyles qui ont rendu l'âme en terre étrangère, en France particulièrement. Si certains d'entre eux à l'instar de Mohya, Brahim Izri, Hamidouche, Salah Sadaoui, pour ne citer que ceux-là, sont enterrés en terre natale, en Kabylie, d'autres, en revanche, pour des raisons diverses, ont choisi de leur plein gré d'être enterrés en terre d'exil. La grande dame Taos Amrouche, première romancière algérienne d'expression française, décédée le 2 avril 1975, est enterrée à Saint-Michel-l'Observatoire (Occitanie), en France. La tombe de sa mère, Fadhma Aït Mensour, auteur de Histoire de ma vie, quant à elle, se trouve en Bretagne où elle a passé les derniers moments de sa vie. Un autre grand poète lyrique amazigh de tous les temps, Slimane Azem, qui chantait “l'Algérie mon beau pays, je t'aimerai jusqu'à la mort”, décédé le 28 janvier 1983, son destin a voulu qu'il soit enterré loin de son beau pays, en terre étrangère, à Moissac, au sud de la France. Il y a quatre ans, un autre écrivain kabyle, homme de lettres d'expression française, auteur de le grain dans la meule, Malek Ouary en l'occurrence, décédé en décembre 2001, lui aussi, est enterré en France, pas loin de Paris. Le dernier en date, cheikh El Hasnaoui, décédé le 6 juillet 2002 à l'âge de 92 ans, a été enterré dans un cimetière de l'île de la Réunion, département d'outre-mer français, situé dans l'océan Indien, au large de Madagascar. Sans oublier, la diva de la chanson kabyle, hnifa en l'occurrence, morte elle aussi dans l'anonymat dans un hôtel parisien. À chacun son destin comme on dit. La question qui revient souvent aujourd'hui dans la bouche des gens : leurs restes seront-ils rapatriés, un jour, en Kabylie ? Mais, il est très délicat de répondre à cette question à la place des ayants droit et autres héritiers de leur mémoire. On se rappelle tous lorsque des voix se sont élevées pour demander le rapatriement, de France vers l'Algérie, de la dépouille de Taos Amrouche. Sa fille, Laurence Bourdil-Amrouche, avait déclaré, à travers un entretien accordé sur le site Internet kabyle.com que lorsqu'elle a posé à sa mère, immobilisée sur son lit de malade à l'hôpital de Villejuif la question suivante : “si l'Algérie te demande, que dois-je faire ?”, sa mère lui a répondu de manière catégorique : “Jamais ! Je t'interdis de m'enlever de là ! Je t'interdis de toucher à la tombe de ta grand-mère en Bretagne !” Cette réaction de Taos Amrouche est lourde de sens. Car, de son vivant, il lui était même interdit de chanter dans son pays natal, l'Algérie. Tout récemment encore, des voix au sein du mouvement associatif kabyle en France se sont élevées pour demander le rapatriement de la épouille de cheikh El Hasnaoui. Son épouse, encore vivante, a-t-elle donné son aval ? Il s'avère que non, d'après notre source, qui précise que la tombe d'El Hasnaoui se trouve dans une concession “deux places”, que l'artiste et sa femme ont réservé conjointement pour être enterrés côte à côte. C'est un vœu que personne d'autre ne peut changer. À rappeler que cheikh El Hasnaoui avait quitté son village natal, Ihesnaouen (Tizi Ouzou) en 1938. Après un long séjour en France, il a choisi de terminer ses derniers jours d'exil à l'île de la Réunion, loin, très loin de l'Algérie. M. SI BELKACEM