Des avocats et défenseurs des Droits de l'homme ont exprimé, hier, leur inquiétude quant à l'escalade du niveau de la répression dont sont victimes certains manifestants et des activistes politiques. Placés sous mandat de dépôt pendant trois mois, pour certains, une vingtaine d'entre eux a déjà entamé une grève de la faim pour protester contre ce qui est qualifié de « tergiversations judiciaires » et les « mauvaises conditions d'incarcération ». L'avocate Nabila Smail a affirmé, hier, lors d'une conférence de presse, organisée par des membres du collectif des avocats, au siège de SOS disparus', que le moudjahid, Lakhdar Bouregâa vient de rejoindre le mouvement des grévistes de la faim, à la prison d'El Harrach. Tout en regrettant une telle action, elle en appelle à tous les prisonniers d'arrêter cette grève de la faim. Car dit-elle « le régime en place sera indifférent à notre mort mais il sera inquiet si on reste en vie et surtout si on poursuit notre militantisme ». Elle a, également, appelé les 40.000 avocats à prendre position contre ce genre de répression, « si on veut réellement un Etat de droit et une Justice indépendante » dit-elle. Les intervenants à cette conférence de presse étaient tous unanimes à dénoncer « une justice de deux poids deux mesures ». Maître Mostefa Bouchachi a affirmé « nous sommes face à une violation du code de procédure pénale, les manifestants et les militants politiques arrêtés sont interpellés sans convocation et parfois par des agents en civil, ils sont privés également du droit d'informer leurs familles ou leurs avocats, de l'endroit où ils sont et pourquoi ils sont arrêtés ». Il enchaîne mais « vous avez en face, les membres du gang qui ont ruiné le pays durant ces vingt ans, qui ont été interpellés par la justice, à travers des convocations, certains sont arrivés au tribunal à bord de leur véhicule de luxe avec chauffeur ». M. Bouchachi a dénoncé ces arrestations qui sont en escalade au cours de ces derniers mois. Et de citer, le cas récent de l'arrestation de 6 militants de l'Association Rassemblement Action Jeunesse' (RAJ) qui ont été interpellés par des agents en civil, dans une cafétéria, à Didouche Mourad. Et l'interpellation du journaliste Said Boudour, à Oran. L'avocate Nabila Smail a évoqué la différence de traitement des tribunaux face aux chefs d'inculpation contre les militants et activistes arrêtés. Et d'expliquer que « certains tribunaux, en dehors d'Alger ont prononcé des relaxes, notamment pour le cas des manifestants arrêtés pour avoir porté l'emblème amazigh, alors que d'autres ont recouru à la mise en détention souvent systématiquement confirmée par la chambre d'accusation ». Elle précise « pourtant, rien ne colle avec le code pénal, vous avez les articles sans les faits » dénonce-t-elle. L'avocat et défenseur des Droits de l'homme, Abdelghani Badi, s'est interrogé « qu'est-ce qui se passe au juste dans le secteur de la Justice ? Et qu'est-ce qui se passe dans les commissariats ? ». « Pourquoi placer des personnes en détention provisoire, durant trois mois sans pour autant programmer leurs procès, sachant que selon leur dossier, ces affaires n'ont pas besoin d'enquête ». Pour les avocats de la défense « c'est simple, ce ne sont pas des prisonniers, mais des otages politiques et d'opinion ». Le président de la Ligue algérienne pour la défense des Droits de l'homme, Noureddine Benissad conclut en affirmant que « dans tous les dossiers que nous avons traités, il n'y a absolument aucun acte de violence, ou une incitation à la haine, ou un appel à la discrimination, toutes les personnes arrêtées ont été placées en détention parce qu'elles ont exprimé une opinion ». Et pourtant affirme-t-il « exprimer une opinion, ce n'est ni un délit, ni un crime ». Il s'interroge « est-ce qu'on a le droit de critiquer dans ce pays ? » ou « est-ce qu'on a le droit de s'exprimer sur les affaires publiques dans ce pays ? » Le collectif des avocats appelle à une mobilisation générale pour exiger la libération des détenus d'opinion.