Ils sont 92 employés qui n'ont pas perçu leur salaire depuis 6 mois. Ils comptent tenir un sit-in mardi prochain à Alger. Ils sont 1 300 travailleurs, dont 95% d'entre eux sont aveugles, à être répartis sur les 28 unités que compte l'Epih (Entreprise publique d'insertion sociale des handicapés) à l'échelle nationale et qui fabrique des balais. À Oran, ils sont exactement 92 employés, dont plusieurs femmes, qui, depuis six mois ne perçoivent plus aucun salaire et ne disposent d'aucune source de revenus pour vivre et pour faire vivre leur famille ce qui représente des centaines de personnes. Par la voix du secrétaire générale du syndicat, lui-même handicapé, ces hommes et ces femmes lancent à travers la presse un véritable cris de détresse, un appel au secours alors que depuis des mois, ils ont attendu désespérément qu'un responsable de ce pays daigne leur répondre, sans se soucier de leur sort ni de celui de leurs femmes et de leurs enfants. “ma khalina Sidi Saïd ni raïs El houkouma ni ouazir el tadamoun… aucun ne nous a répondus !”, nous dira avec douleur notre interlocuteur. Honte à eux ! sommes-nous tentés de dire pour notre part car ces hommes et ces femmes, déjà fragilisés et marginalisés par leur handicap, se retrouvent aujourd'hui livrés à eux-mêmes, abandonnés à leur sort alors que pour eux, plus particulièrement, il ne peut y avoir de solutions de rechange. Le SG qui nous a reçus au siège de l'unité Epih d'Oran nous raconte la situation sociale extrêmement dramatique qu'ils vivent : “Nos enfants ont faim, nous n'avons plus de quoi vivre, on ne peut même pas s'acheter du lait… certains parmi nous ont dû retirer leurs enfants de l'école parce qu'ils ne peuvent plus les habiller, leur assurer le minimum… ils n'ont pas eu d'Aïd… D'autres se sont retrouvés jetés à la rue contraints de demander l'aumône ! Où allons-nous comme ça ? Durant le ramadan, il n'y a qu'une association qui a réagi en nous apportant le couffin. Personne n'est venue nous aider !”, nous dira encore notre interlocuteur dans un mélange de grande émotion et de colère à la fois. l'Epih est, en effet, une société qui connaît des difficultés depuis longtemps, mais il est clair qu'il ne s'agit pas là d'une société banale, compte tenu du fait qu'elle emploie essentiellement des aveugles. Dans cette activité de fabrique de balais, il ne peut y avoir de notion d'économie de marché ; il y a avant tout une dimension sociale, un souci d'insertion sociale pour des handicapés. de par le monde, ce type de structure d'atelier est protégé appuyé par des fonds publics. En octobre 2004, à la suite d'une réunion de la tripartite, une subvention de 8 milliards a été octroyée aux unités de l'Epih pour assurer les arriérés des salaires et relancer les activités par l'achat de matières premières. cela a permis de tenir jusqu'en mai 2005. Au moment de la tripartite, un groupe de travail devait être créé pour étudier les propositions soumises par des experts, à savoir soit la mise en faillite des unités soit la mise en place d'un plan social avec réduction des effectifs… etc. Rien n'a été fait, nous signale le SG du syndicat. Ce dernier explique encore les promesses non tenues par le ministre de l'Emploi et de la Solidarité, M. Ould Abbas, qui durant le mois de ramadan s'était rendu à l'unité de Hussein Dey et, devant les caméras, avait promis un don de 3 000 DA pour les employés. “Il a remis 169 enveloppes. à ce jour, nous n'avons rien vu. il était venu aussi remettre 1 300 couffins en signe de solidarité !” Le 15 du mois en cours, il est prévu un regroupement devant le siège du ministère de la Solidarité pour observer un sit-in afin de réclamer le droit de vivre décemment, même en tant qu'aveugle et sans avoir à faire l'aumône. Quelle sera la réponse de nos gouvernants ? F. BOUMEDIENE