Des professionnels de la santé tirent la sonnette d'alarme sur les dangers que représentent les tonnes de déchets qui s'amoncellent dans les rues d'Oran et qu'une politique rationnelle de gestion est seule à pouvoir se débarrasser de ce fardeau pour la collectivité. Au-delà de son impact négatif sur l'image d'une ville qui s'apprête à accueillir un événement sportif méditerranéen, la crise des ordures compromet gravement la santé publique, déjà mise à mal par deux années de coronavirus. "L'amoncellement des déchets à chaque coin de rue va entraîner nécessairement la multiplication de nombreuses pathologies infectieuses, notamment chez les enfants qui en sont plus fréquemment exposés", s'inquiète Mustapha Bouziani, professeur en épidémiologie à la Faculté de médecine d'Oran. Depuis plusieurs semaines, les quartiers de la ville croulent sous les déchets, dont les autorités locales n'arrivent pas encore à se débarrasser en raison de l'absence d'une politique rationnelle de gestion des déchets. Le professeur Bouziani craint notamment une envolée des cas d'hépatite virale, les salmonelles, la leptospirose, la tularémie, la méningite et des parasitoses intestinales comme les ténias. En ces temps de coronavirus, le Pr Bouziani avertit que si elles n'augmentent pas les cas de Covid-19 dont la transmission est interhumaine, elles n'en affaiblissent pas l'immunité des malades, forcément plus exposés aux diverses complications de cette maladie. Si les autorités locales tentent de rassurer sur l'imminence du règlement de la crise du ramassage des ordures, notamment grâce à la résolution partielle du conflit avec des entreprises privées, la propagation des maladies angoisse les Oranais qui côtoient les monceaux d'ordures depuis trop longtemps : "Pour une ville de l'envergure d'Oran, cette situation est proprement scandaleuse. Les ordures s'entassent partout, y compris devant les marchés des fruits et légumes et les écoles. Le danger nous guette en permanence", s'indigne la population, qui ne comprend pas que la capitale de l'Ouest traîne ce problème depuis les années 1990. Le Pr Bouziani s'inquiète également d'une "possible augmentation des morsures de rat et de chien" qui se nourrissent abondamment des déchets avec, bien entendu, les risques de rage. "La prolifération des chiens errants augmentera certainement le nombre de cas de certaines parasitoses, comme par exemple la leishmaniose, la fièvre boutonneuse...", avertit encore l'épidémiologiste. Les chiens errants, on le rappelle, constituent également un casse-tête pour les gestionnaires de la wilaya d'Oran qui, parfois, en arrivent à organiser des battues : quatre à cinq sorties sont comptabilisées annuellement par chacune des 29 communes d'Oran, durant lesquelles entre 30 à 50 chiens errants sont abattus par nuit. Au total, 450 canidés errants sont mis à mort annuellement à Oran. Le Pr Bouziani, qui souligne, par ailleurs, les risques de maladies de la peau et les conjonctives, alerte sur d'autres impacts indirects mais non moins importants sur la santé publique : l'altération de la qualité des ressources en eau qui entraîne les MTH, la dégradation de l'hygiène et la détérioration de la qualité de l'air, qui auront des conséquences sur les maladies chroniques et les pathologies pulmonaires.