L'agression de l'Ukraine par les forces russes a entraîné un véritable nuage de fumée sur les places boursières mondiales. L'économie mondiale a été comme secouée par un séisme, dont l'onde de choc pourrait se révéler dévastatrice aussi bien pour la Russie que pour les pays de l'Otan si le conflit venait à perdurer et à migrer vers des terrains purement économiques, puisque la plupart des sanctions occidentales contre la Russie sont fondamentalement économiques. En effet, après un premier paquet de sanctions ciblant surtout des proches de Vladimir Poutine, l'Union européenne entend désormais limiter drastiquement l'accès de la Russie aux marchés des capitaux européens. Même si la nature exacte de ces sanctions n'a pas encore pris forme, il s'agirait, à plus forte raison, d'empêcher les entreprises publiques et privées russes de lever des fonds sur le marché européen et limiter les sommes que les Russes peuvent détenir sur leurs comptes bancaires britanniques. De son côté, Washington a ciblé un certain nombre d'acteurs financiers, dont les deux principales banques russes, Sberbank et VTB Bank. Il est question, en deux mots, de les empêcher de réaliser des paiements en dollars. Ce seront en tout dix des plus grandes institutions financières russes à se retrouver dans le collimateur de Washington, qui veut compromettre leur accès aux marchés financiers internationaux et aux transactions en dollars. Dans un discours prononcé jeudi soir, le président américain Joe Biden n'a pas lésiné sur les mots et les mesures punitives à l'encontre de la Russie, interdisant à treize grandes entreprises russes de se financer sur le marché américain. Les Etats-Unis ont aussi rallongé la liste des oligarques russes sanctionnés, afin de taper au portefeuille les grandes fortunes proches de Vladimir Poutine. Cependant, les pays occidentaux se sont gardés de couper la Russie du réseau bancaire Swift, qui permet de recevoir ou d'émettre des paiements dans le monde entier. Cette option n'a pas été votée à l'unanimité ; des pays européens émettant des réserves en raison de ses conséquences sur l'approvisionnement de l'Allemagne et de l'Europe en gaz. En tout cas, le conflit armé opposant l'Ukraine à la Russie risque de se transformer en grave crise économique, dont les conséquences se révéleraient préjudiciables pour de nombreux pays. Preuve en est que l'escalade militaire russe a provoqué aussitôt une chute des principales Bourses du Vieux Continent, perdant jusqu'à 5% au pire de la journée de jeudi. La Bourse de Moscou s'est, elle, effondrée de plus de 35%. Dans la foulée de ce crash boursier, les cours des matières premières se sont envolés ; le prix du baril de pétrole dépassant les 105 dollars, jeudi, l'aluminium et le blé battant aussi des records. Il faut dire que l'option d'une guerre n'avait pas été prise jusqu'ici très au sérieux par les marchés mondiaux, ce qui explique la chute brutale de jeudi. Quoi qu'il en soit, le risque que le conflit armé auquel se livrent Russes et Ukrainiens dégénère en crise économique et financière n'est pas à exclure, tant il est vrai que l'usage de la force militaire pourrait, tout comme les sanctions, être une arme à double tranchant. Tous les scénarios sont désormais possibles. La crise des subprimes, née aux Etats-Unis, en 2008, s'est répandue comme une traînée de poudre et mis l'ensemble des économies mondiales à genoux. Il ne s'était agi, pourtant, que de l'effet pandémique des crédits hypothécaires attribués par certaines banques américaines. Comme ce fut le cas par le passé, les crises majeures, militaires et financières, impliquant plusieurs Etats, promettent des lendemains peu enchanteurs, contraignant l'économie comme les équilibres géostratégiques à une reconfiguration quasi inéluctable.