Si l'Europe était jusqu'ici épargnée par le spectre d'une pénurie de gaz, la flambée des cours alimente, néanmoins, les pires inquiétudes quant à des conséquences quasi inévitables sur son économie. La crainte de perturbations des exportations en provenance de Russie, qui fournit 40% du gaz européen, faisait grimper la référence du marché en Europe, le TTF néerlandais, à un nouveau record, à 213,895 euros le mégawattheure (MWh). Le gaz britannique pour livraison le mois prochain a également atteint un nouveau sommet historique à 508,80 pence par thermie (unité de quantité de chaleur). Vendredi, alors que les cours poursuivaient leur mouvement haussier en raison de l'aggravation des tensions autour de la crise ukrainienne, le marché était soudainement pris de panique sous l'effet d'une information selon laquelle, le flux de gaz russe via le gazoduc Yamal s'était arrêté. Cette information s'est répandue comme une traînée de poudre à travers le Vieux Continent, faisant craindre le pire pour l'économie européenne déjà aux prises avec une inflation galopante en raison de la flambée des cours des matières premières. Pour l'Europe, les nouveaux records battus, jeudi, par les prix du gaz naturel pourraient être dévastateurs. Le continent est confronté non seulement à une flambée des prix sans précédent, mais aussi à de faibles capacités de stockage, ce qui réduit considérablement ses marges de manœuvre face à une éventuelle rupture de l'approvisionnement russe. Les mois à venir seront marqués par des tentatives d'augmenter les stocks de l'Europe en gaz naturel, mais cela se fera à des coûts très élevés. Ce qui revient à dire que le travail d'atténuation de la dépendance de l'Europe du gaz russe s'annonce des plus difficiles et des plus coûteux, faisant craindre davantage de dégâts chez les ménages et les entreprises européennes qui ont déjà été pressés par la flambée des prix de l'énergie. C'est, pour ainsi dire, une lame à double tranchant. L'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui n'est pas loin d'une nouvelle déclaration audacieuse sur la transition énergétique, a, d'abord, coordonné la décision de libérer 60 millions de barils de brut pour tenter de faire baisser les prix, puis publié, vendredi, un plan en dix étapes visant à réduire la dépendance énergétique de l'UE vis-à-vis de la Russie. Selon l'AIE, son plan rendrait non seulement l'Europe moins dépendante du pétrole et du gaz russes, mais aiderait également à progresser vers les objectifs climatiques de l'Union européenne. Malgré tous les éloges qu'il a reçus des responsables européens, le plan de l'AIE offre en réalité peu de choses pratiques susceptibles de réduire rapidement la dépendance du Vieux Continent des énergies russes. Le plan de l'AIE exige des pays européens de ne plus signer de nouveaux contrats d'approvisionnement en gaz avec la Russie. L'Agence propose également de remplacer les approvisionnements en gaz russe par des approvisionnements provenant de sources alternatives. Le rapport ne souffle mot sur les sources alternatives auxquelles il fait référence. Si c'est de la Norvège, de l'Azerbaïdjan ou des Etats-Unis, de l'Australie et du Qatar dont il s'agit, ces fournisseurs n'ont pas pu remplacer la Russie cet hiver, alors que la prochaine saison hivernale commence dans sept mois sans que l'Europe puisse avancer sur des projets sérieux en matière de réduction de sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. L'AIE suggère, également, d'augmenter massivement les capacités de production d'énergie renouvelable, laquelle exigerait une facture bien plus élevée qu'elle l'aurait été il y a quelques années à peine. Pour ainsi dire, au-delà de son plaidoyer en faveur des énergies renouvelables, le plan de l'AIE est plus théorique que pratique, voire assez coûteux. Ce qui signifie qu'en l'absence d'alternatives viables aux gaz et pétrole russes, l'Union européenne devrait continuer à subir durablement les conséquences de la crise ukrainienne.