Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné au gouvernement d'interdire l'exportation de tous les produits de large consommation importés par l'Algérie (subventionnés), tels que le sucre, les pâtes, l'huile, la semoule et tous les dérivés du blé. Plus ferme encore, le chef de l'Etat a chargé le ministre de la Justice d'élaborer un "projet de loi criminalisant l'exportation de produits non fabriqués localement, étant un acte de sabotage pour l'économie nationale", précise le communiqué rendu public à l'issue du Conseil des ministres tenu dimanche dernier. Même si les raisons qui ont motivé cette décision n'ont pas été clairement évoquées, il va sans dire que l'Exécutif semble vouloir protéger davantage le marché local en couvrant les besoins nationaux, afin de pouvoir éviter les pénuries de ces produits qui ont engendré, rappelons-le, des flambées ininterrompues de leurs prix ces derniers mois à travers tout le territoire. En revanche, ce qui déconcerte les opérateurs économiques concernés par cette mesure, c'est le caractère définitif et exécutoire qu'elle revêt. "Pourquoi parle-t-on d'interdiction directe et non pas de suspension ?", s'interroge un spécialiste du commerce extérieur. Il se demande si réellement, cette mesure a été profondément analysée en étudiant ses conséquences sur l'économie du pays. À l'évidence, cette décision mettra en difficulté l'avenir de nombreuses sociétés qui activent dans le commerce extérieur, emploient des dizaines de personnes, créent de la richesse et font gagner au pays des montants non négligeables en devises. "Si c'est pour assurer une certaine régulation et une stabilité du marché national compte tenu de la déstabilisation que connaît actuellement le marché à l'international, cette décision présidentielle peut être compréhensible pour peu qu'elle ait une nature suspensive", souligne un opérateur économique. Sinon, "rien ne justifie cette mesure d'autant plus que d'autres solutions idoines existent bel et bien", affirme-t-il. Au lieu de recourir de manière aussi directe à l'interdiction, ne fallait-il pas alors réfléchir à d'autres formules qui, tout en protégeant les intérêts du pays, peuvent remplacer de manière aussi efficiente cette décision. Un expert très au fait du secteur du commerce extérieur, lui, suggère comme solution l'utilisation des capacités de production dormantes, inactives des opérateurs pour maintenir les exportations, sauvegarder les postes d'emploi et faire entrer des devises pour le pays. Il suffit, indique-t-il, d'utiliser les licences d'exportation qui existent dans ce domaine. Les autorités pourront, de ce fait, libérer au fur et à mesure les exportations tel que le prévoient les dispositions de l'article 9 du décret exécutif n°15-306 du 06 décembre 2015 fixant les conditions et les modalités d'application des régimes de licences d'importation ou d'exportation de produits et marchandises soumises à des restrictions, comme c'est le cas dans la décision présidentielle. Il faut dire que ce type de mesures sont prises régulièrement en Inde et en Chine pour ne citer que ces deux pays. L'autre ordre donné par Abdelmadjid Tebboune a trait au maintien de l'"interdiction stricte" de l'importation des viandes congelées et d'encourager la consommation de viandes locales. Par ailleurs, le président de la République a ordonné d'encourager les agriculteurs qui approvisionnent le stock stratégique de l'Etat en blé dur et tendre et en légumineuses avec diverses incitations, dont le soutien sous forme de prêts, d'engrais et d'autres avantages, ajoute le communiqué.