Pour commémorer les soixante ans du cessez-le-feu marquant la fin officielle de la guerre d'indépendance, le président français, Emmanuel Macron, a souhaité continuer à "tendre la main" à l'Algérie pour la gestion du dossier de la mémoire. Après avoir entendu quatre témoignages, celui d'un militant pour l'indépendance de l'Algérie, un harki, une fille de pied-noir et un ancien militaire français, Emmanuel Macron a prononcé une allocution dans laquelle, il a notamment dit "assumer" tous les gestes qu'il a accomplis depuis son arrivée au pouvoir dans le sens de créer une "réconciliation des mémoires". Des gestes, pour l'essentiel, qui sont des préconisations du rapport que Benjamin Stora lui a remis en janvier 2021. Un rapport destiné à dresser un état des lieux sur la mémoire coloniale et la guerre d'Algérie et à formuler des propositions pour aller à "une mémoire apaisée". S'il dit souhaiter que ce travail de mémoire "continue à être fait par l'Algérie", Emmanuel Macron espère également qu'un "jour viendra où l'Algérie fera ce chemin". Confié du côté algérien à Abdelmadjid Chikhi, ce travail n'a pas encore été fait. À ceux qui lui reprochent de "la faiblesse" devant un pays qui "ne bouge pas", Macron se veut pragmatique. "Beaucoup me diront : vous faites tout cela, mais vous n'êtes pas sérieux parce que l'Algérie ne bouge pas. À chaque fois, tous mes prédécesseurs ont été confrontés à la même chose", a-t-il indiqué. Malgré cela, Emmanuel Macron dit "assumer la main tendue à l'Algérie", même si le seul officiel algérien invité, à savoir Mohamed Antar Daoud, ne s'est pas déplacé au Palais de l'Elysée. Macron a également assumé la restitution des crânes des résistants algériens, remis à l'Algérie à l'été 2020, qui est "un geste nécessaire". "Le dialogue se poursuit", dit-il encore, un tantinet optimiste. Tout en rappelant les gestes accomplis ces dernières années en faveur de la "réconciliation des mémoires", Emmanuel Macron rappelle que ce travail était "nécessaire" parce que "la guerre d'Algérie était devenue la matrice de tous les ressentiments". Dans ce contexte, il dit "comprendre" les "quatre témoignages" qui sont "irréconciliables", mais qui sont des "histoires françaises". Pour lui, seul "le travail de vérité" que feront les historiens peut "éviter des manipulations de l'Histoire" qui ne risque pas d'être "falsifiée". Il a exhorté, dans ce cadre, les historiens à travailler sur le sujet tant que "nous avons des sources vivantes". Ce travail de vérité permet "d'expliquer des doutes", a-t-il encore appuyé. Le chef de l'Etat français, qui brigue un second mandat présidentiel le mois prochain, s'est engagé à "poursuivre" cette œuvre. "J'ai tendu beaucoup de mains. Je ne les lâcherai jamais", a-t-il promis tout en reconnaissant travailler "pour le temps long". "Il y aura des moments où on trébuchera, des moments d'énervement. Mais on n'y arrivera", a-t-il indiqué. Pour illustrer cette difficulté, il a révélé avoir lancé des "invitations" pour certains harkis et anciens militaires français qui ont "refusé de venir" parce qu'ils trouvaient que "c'était dur" de se confronter à leurs adversaires d'hier. La veille de cette intervention, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, s'est montré intransigeant concernant la gestion du dossier mémoriel avec la France. Ce dossier devrait "inévitablement être traité d'une manière responsable et équitable dans un climat de franchise et de confiance", a-t-il dit. Mais les "hideux crimes de la colonisation ne seront pas oubliés et ne sauraient être frappés de prescription", a-t-il prévenu. "Le travail se poursuivra" Il faut dire que depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le chef de l'Etat français n'a pas cessé de lancer des initiatives dans le sens de "la réconciliation des mémoires". En février 2017, alors candidat, Emmanuel Macron, en visite en Algérie, qualifiait le colonialisme de "crime contre l'humanité". Une affirmation qui fera l'effet d'un séisme dans certains milieux en France, mais perçue comme une avancée en Algérie. Même s'il ne refera plus référence à cette qualification, il poursuit toutefois une politique visant à faire avancer le dossier des mémoires. Avec l'arrivée d'Abdelmadjid Tebboune au pouvoir, le chef de l'Etat français a trouvé un interlocuteur avec lequel il a pu faire du chemin. Comme gage de bonne volonté, il accepte de remettre à l'Algérie 24 crânes de résistants algériens des révoltes populaires du XIXe siècle, entreposés dans les sous-sols du Musée de l'Histoire de l'Homme à Paris. Ce geste du président français, prévu de longue date, s'est fait sans même passer par le Parlement. En 2020, Emmanuel Macron reconnaît, publiquement, la responsabilité de l'Etat français dans l'assassinat, en 1957, du mathématicien Maurice Audin, militant en faveur de l'indépendance de l'Algérie. Puis, en août 2021, le chef de l'Etat français reconnaît également la responsabilité des autorités de son pays dans l'assassinat de l'avocat Ali Boumendjel. Mahdi Boumendjel, le petit-fils du militant nationaliste, Ali Boumendjel (son grand-père qui a été jeté du 6e étage d'un immeuble d'El Biar, a révélé récemment qu'Emmanuel Macron lui avait "demandé des excuses" au nom de l'Etat français. Il y a peu de temps encore, les autorités françaises avaient toujours soutenu que les deux militants s'étaient suicidés. Outre ces gestes, le chef de l'Etat français avait chargé l'historien Benjamin Stora de lui rédiger un rapport sur la gestion du dossier mémoriel. L'historien a formulé de nombreuses préconisations dont, entre autres, l'érection d'une stèle à la mémoire de l'Emir Abdelkader à Amboise. Une proposition vite concrétisée. La stèle qui a été inaugurée récemment, a été vandalisée. "Le travail se poursuivra", a indiqué Emmanuel Macron qui a également rappelé l'ouverture des archives judiciaires françaises quinze ans avant les délais réglementaires. Parallèlement à ces gestes dans le sens de "réconcilier" les mémoires communes entre l'Algérie et la France, Emmanuel Macron, contraint par des considérations internes et davantage avec la proximité du rendez-vous électoral, a aussi lancé des initiatives, notamment en direction des harkis, ces supplétifs de l'armée française. Il a ainsi reconnu la responsabilité de l'Etat français de leur "abandon" après l'indépendance. Ces supplétifs de l'armée française, abandonnés par les autorités françaises au lendemain du cessez-le-feu et qui étaient quelques milliers, ont pu rejoindre la métropole où ils ont été parqués dans des centres de transit et relogés dans des conditions insalubres. Dans son entreprise, Emanuel Macron a également rendu hommage aux militaires français dont 30 000 ont perdu la vie durant les 7 ans et demi de guerre. Macron a aussi fait un geste envers les pieds-noirs. Selon des estimations, entre 7 et 8 millions de Français ont aujourd'hui un lien direct ou indirect avec l'Algérie. Un nombre important qui pèse dans les élections françaises.