La junte birmane s'est livrée à une démonstration de force, promettant d'"anéantir" ses opposants, à l'occasion de la journée de l'armée, théâtre en 2021 d'une répression sanglante contre les manifestations prodémocratie. Plus de 8000 membres des forces de sécurité, des chars, des camions transportant des missiles et des pièces d'artillerie ont défilé, hier, sur les gigantesques artères de Naypyidaw, la capitale construite par l'ancien régime militaire au début des années 2000. La junte "ne négociera plus (...) et anéantira jusqu'au bout" les opposants, a déclaré le général qui a renversé la dirigeante civile Aung San Suu Kyi le 1er février 2021. Le vice-ministre de la Défense de la Russie – un important fournisseur d'armes et un allié traditionnel des généraux birmans –, avait assisté au défilé en 2021 et était attendu cette année. Mais Alexander Fomin n'a pas pu venir en raison des "affaires de son pays", l'opération en Ukraine, a déclaré le porte-parole de la junte, Zaw Min Tun. Le 27 mars 2021 avait été le théâtre de la répression la plus meurtrière depuis le coup d'Etat. Quelque 160 manifestants ont été abattus ce jour-là par les forces de sécurité, selon une ONG locale, l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Le gouvernement d'unité nationale (NUG), un organe fantôme qui fédère l'opposition à la junte, a rebaptisé cette journée "jour de la honte pour l'armée" et a promis de faire tomber le régime. "Avec les âmes de nos héros disparus, nous nous battrons jusqu'au bout", a déclaré le porte-parole du NUG, le Dr Sasa, dans un communiqué. Dans une déclaration commune, de nombreux pays (Etats-Unis, Union européenne, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni...) ont appelé l'armée à "cesser ses violences et à rétablir la voie de la démocratie". La Birmanie a sombré dans le chaos depuis le putsch des généraux. Plus de 1700 civils ont été tués et près de 13 000 arrêtés d'après l'AAPP, l'ONU dénonçant de "probables crimes de guerre et crimes contre l'humanité". Cette répression brutale a mis fin aux grandes manifestations pacifiques qui ont secoué le pays dans les premières semaines après le putsch. Malgré la répression, de larges portions du territoire échappent toujours au contrôle des généraux. Des milices citoyennes secondées par des minorités ethniques ont pris les armes dans plusieurs régions et mènent des actions de guérilla. Les militaires ripostent. "Ces dernières semaines, de plus en plus d'informations font état du recours par l'armée à des frappes aériennes et à des armements lourds ayant causé aux civils des pertes en vies humaines et en biens", note Human Rights Watch. "Ces violences ont déplacé plus de 500 000 personnes", d'après l'ONG qui déplore que "la junte bloque délibérément l'aide aux populations (...) en guise de punition collective".