Après plus de trois jours d'audience, le procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed a requis une peine de 10 ans de prison ferme assortie d'une amende de 1 million de dinars à l'encontre de l'ancienne ministre de la Culture, Khalida Toumi. L'ancien inspecteur général du ministère Abdelhamid Benblidia écope, lui, de 8 ans. Miloud Hakim, ancien directeur de la culture de Tlemcen, écope de 5 ans de prison. Les trois responsables sont accusés de dilapidation de deniers publics, de violation du code des marchés publics et d'attribution d'indus avantages. Dans un sévère réquisitoire, le représentant du ministère public a particulièrement chargé l'ancienne ministre de la Culture qui "donnait des ordres" aux autres responsables lors de la passation des marchés publics durant les trois manifestations objet de procès, à savoir "Alger, capitale de la culture arabe", "Tlemcen, capitale de la culture islamique" et enfin le film sur l'Emir Abdelkader. Pour le procureur de la République, la ministre et ses collaborateurs ont "privilégié certaines entreprises" au détriment d'autres. Il a également reproché à Benblidia d'avoir "exécuté" des ordres émanant de la ministre alors que ces directives étaient en "violation de la loi". Dans leurs plaidoiries, les avocats qui se sont relayés, ont tenté de déconstruire les accusations du parquet. À l'unanimité, ils ont insisté sur le caractère politique de ce procès intenté à leur mandante. Me Boudjema Guechir est longuement revenu sur le contexte des poursuites enclenchées par "la îssaba" de l'époque contre l'ancienne ministre. "Saïd Bouteflika et Tayeb Louh n'ont pas admis le fait que Mme Toumi et d'autres personnalités nationales aient demandé à voir le défunt président de la République pour vérifier qu'il était capable de gérer le pays. Ils ont décidé de la punir en inventant un dossier judiciaire contre elle", a-t-il fulminé. En guise de preuve, il rappelle que son arrestation avait été annoncée "avant même qu'elle ne soit entendue par le juge". Pour sa part, Abdelaziz Medjdouba, autre avocat de l'ancienne ministre, est revenu sur les conditions du déroulement des manifestations incriminées. Il a relevé que la ministre "était sous pression" des "hautes autorités de l'Etat". "Elle devait être à la hauteur et elle l'a été d'autant que ces manifestations ont donné à notre pays des infrastructures prestigieuses", dit-il. L'ancien bâtonnier de Blida conclut que le procès est avant tout "politique" étant donné que l'ancienne ministre avait un "rôle politique" et que la gestion était du ressort des responsables nommés à différents postes de responsabilité. Tout au long du procès, les présents ont peiné à faire la différence entre les actes de gestion et ce qui peut relever de l'infraction pénale. Accusée, l'ancienne ministre a tenu un discours constant depuis le début du procès. "Oui, j'ai donné des instructions lorsqu'il s'était agi de débloquer une situation. Oui, j'ai assumé mes responsabilités lorsque d'autres responsables ont été incapables de prendre des décisions. Mais il n'y a pas la moindre trace de corruption ou de passe-droit", a-t-elle soutenu sûre d'elle. Et même lorsque que certains témoins ont tenté de se défausser sur elle lorsqu'ils étaient incapables de justifier la signature d'un contrat, la réponse de Khalida Toumi a été tranchante : "J'étais une ministre et non une comptable." Elle a avoué avoir recouru à la procédure du "passer outre" lorsque certains projets nécessitaient le recours à cette disposition qui permet aux ministres de débloquer des situations tout en évitant de passer par la très contraignante commission des marchés. Mais elle a réfuté tout favoritisme. "Je ne connais pas les entreprises", a-t-elle répété. Mais cela ne l'a pas empêché d'avouer avoir demandé à recourir aux entreprises locales pour certains métiers. Une recommandation valable partout "sauf dans la wilaya de Tizi Ouzou pour éviter d'être taxée de favoriser" sa région d'origine. Le verdict va être prononcé dans une semaine ou deux. Mais Khalida Toumi et ses avocats ont déjà décidé de faire appel en cas de condamnation. Ils veulent rétablir l'honneur de l'ancienne militante féministe.