La France est "très loin de l'exemplarité qu'on pourrait attendre d'elle" en matière de respect des libertés publiques et des droits humains, dénonce Amnesty International dans son rapport 2021 publié hier, critiquant notamment la politique d'accueil des migrants, différente selon les nationalités. "Ce qu'on a vu depuis quelques semaines tranche singulièrement avec la manière dont, l'année dernière, les pouvoirs publics ont parlé de l'accueil des Afghans" fuyant leur pays après la reprise du pouvoir des talibans mi-août, a souligné devant la presse Nathalie Godard, directrice de l'Action à Amnesty International France, évoquant l'accueil des Ukrainiens. L'Etat a mis sur pied un schéma d'accueil et d'hébergement proposant "au moins 100 000 places", selon Jean Castex, pour les réfugiés fuyant la guerre en Ukraine. Le 16 août, dans son intervention sur l'Afghanistan, Emmanuel Macron avait appelé à "anticiper et (se) protéger contre des flux migratoires irréguliers importants", grince Amnesty International. Nathalie Godard souligne que la protection temporaire accordée par les pays de l'Union européenne aux réfugiés d'Ukraine avait "aussi été demandée pour les Afghans, sans succès". "C'est une illustration du "deux poids, deux mesures" aujourd'hui très dénoncée", a-t-elle ajouté. La protection temporaire permettra aux réfugiés ukrainiens de séjourner jusqu'à trois ans dans l'Union européenne, d'y travailler, d'accéder au système scolaire et d'y recevoir des soins médicaux. Amnesty International stigmatise également les "traitements dégradants" subis par les exilés, notamment à Calais, ville du nord de la France d'où les migrants tentent de rejoindre le Royaume-Uni : "La police et les autorités locales ont limité leur accès à l'aide humanitaire et les ont soumis à des manœuvres de harcèlement." Les critiques sur le sort des migrants à Calais et à Grande-Synthe, à une quarantaine de kilomètres de Calais, ont été relancées après le naufrage fatal à 27 d'entre eux qui tentaient de traverser la Manche le 24 novembre, des ONG dénonçant notamment des lacérations de tentes lors des évacuations, avec l'aval des autorités. Ces dernières ont récusé ces accusations. Dans son rapport annuel, Amnesty International estime en outre que la France "fait partie" des 67 pays au monde qui ont "adopté en 2021 des lois qui restreignent la liberté d'expression, d'association et de réunion". L'ONG cite la promulgation fin juillet 2021 de la loi sur la prévention du terrorisme qui entérine notamment des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas). La loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure du 24 janvier 2022, autorisant les captations d'images de manifestations par les drones, constitue, elle, selon Amnesty, "un pas de plus vers la surveillance de masse". Enfin, la loi dite "séparatismes" du 24 août "risque d'ouvrir la voie à des pratiques discriminatoires" sous le couvert de la lutte contre l'islamisme radical, estime l'organisation.