Figure de proue de la culture à Annaba, passionnée et professionnelle, Saliha Nouacer, directrice de la Bibliothèque principale, ne rate aucune occasion pour célébrer, dans les règles de l'art, le livre et la lecture. À la tête de cette institution étatique depuis 2011, cette dame, manager et leader, a réussi, grâce à son équipe et à ses initiatives, à faire de la bibliothèque le lieu phare du savoir, des rencontres littéraires de haut niveau de réflexion et de dialogue autour de la pensée humaine et philosophique. Dans cet entretien, Mme Nouacer revient sur la vision et les objectifs de la bibliothèque, ainsi que les différentes activités périodiques et celles programmées en parallèle avec le Sila. Liberté : Vous êtes sociologue, et avant d'être à la tête de la Bibliothèque principale, vous étiez fonctionnaire à la direction de la culture et des arts, une carrière remarquable qui vous a permis de transformer cette institution étatique en un lieu très dynamique, devenu au fil du temps partenaire et acteur principal de la vie culturelle à Annaba. Quelle est votre vision et comment la mettez-vous en œuvre ? Saliha Nouacer : Partant de l'idée que la culture est un ensemble de valeurs, un contrat social et que l'accès à la culture est un droit qui participe au fondement de comportements citoyens, que les bibliothèques édifient les civilisations et forment des individus éduqués et créatifs, nous mettons cet espace à la disposition de tous. Nous collaborons avec les enfants, les jeunes, les étudiants, l'université, les institutions étatiques, les associations ou les groupes culturels, dans le but de promouvoir le livre et la lecture et d'enclencher un dialogue autour de la pensée humaine et philosophique. Pour moi, la bibliothèque est le socle que nous sommes contraints de bâtir pour une économie solide et une bonne santé mentale de la société. J'ai comme vision de faire ressortir la créativité des jeunes, d'intégrer les arts et les lettres, de s'ouvrir sur les langues, pour être au diapason de la mondialisation et des nouvelles technologies, tout en ayant un esprit scientifique pour mener à bien ce projet. La bibliothèque est un levier de la dynamique sociale. Quelle stratégie adoptez-vous pour faire la promotion du livre et de la lecture ? L'action culturelle est déclinée en un certain nombre d'activités. Concernant la promotion du livre, nous organisons une rencontre périodique que nous nommons "Rencontre : un auteur, un livre". C'est une activité qui s'inscrit dans une stratégie marketing pour la promotion des nouveaux produits. Ainsi, nous faisons la promotion du livre, des nouveautés dans l'écriture et des nouveaux écrivains. Une manière de valoriser le savoir à travers le contenu des nouveaux ouvrages. Des ventes-dédicacées sont organisées à la fin de chaque rencontre. Nous accompagnons les événements nationaux, littéraires et religieux par l'organisation d'expositions de livres au niveau du hall de la bibliothèque. Ainsi, nous donnons à ces manifestations un sens pour pousser à la réflexion, au questionnement et à la critique scientifique et constructive. Pour nous, les événements nationaux et internationaux ne sont pas que de simples dates à célébrer, c'est la connaissance que nous fêtons et partageons à chaque fois. Nos adhérents sont motivés entre autres par un concours de lecture instauré avec le grand écrivain Waciny Laredj ; le prix porte son nom. Qu'avez-vous programmé durant la semaine du Sila ? En parallèle avec le Salon international du livre d'Alger 2022, nous organisons trois rencontres littéraires dédiées à trois jeunes écrivaines qui n'ont pas eu la chance de participer au Sila. L'occasion pour elles de présenter leurs romans avec une vente-dédicace. Aujourd'hui, c'est la troisième rencontre, dédiée à l'auteure Amina Mansri pour présenter son premier roman Joannonville primé et édité aux Emirats arabes unis. Aussi, notre bibliobus est sorti accueillir le large public dans la daïra d'El-Bouni, avec des ateliers d'écriture, de lecture et de dessein, présence de conteurs dans les trois langues, atelier d'initiation à l'écriture et concours. Cette activité s'inscrit dans le cadre de l'opération "Le livre dans la rue" initiée par le ministère de la Culture et des Arts durant le Sila. Vous avez créé des clubs de lecture et la bibliothèque est présente dans presque toutes les activités de la ville. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces deux points ? Le club Fikra est un club appartenant à la bibliothèque qui se rencontre mensuellement pour lire puis débattre des classiques de la pensée et de la philosophie. Le groupe est constitué d'académiciens et d'universitaires. Avec le large public, ils débattent et partagent des idées avec respect et convivialité. Le club des langues étrangères, quant à lui, consacre les débats et les lectures à des livres en langues anglaise, française et italienne. Les jeunes sont encadrés par des enseignants universitaires des départements des langues étrangères de l'université Badji-Mokhtar d'Annaba. Un troisième club est né récemment pour débattre de la psychologie, de la psychologie sociale et de son impact sur les sociétés, et de toutes les problématiques relatives à la psychopédagogie. Il a des objectifs d'éduction culturelle, et les adhérents sont des psychologues et des psychopédagogues. De plus, la médiathèque offre un espace pour des ateliers de montage et d'écriture de scénario, comme cela a été le cas lors des différentes journées cinématographiques organisées à Annaba. Nous offrons notre espace aux étudiants de l'Ecole des beaux-arts et de l'Ecole de formation musicale et mettons à leur disposition des livres et le hall d'exposition. L'espace enfants est bien aménagé ici ; il est toujours rempli. Quel en est le secret ? Les enfants sont au centre de nos préoccupations. Nous recevons des écoles primaires pour des séances de lecture de livres avec projection de films éducatifs en rapport avec le programme scolaire, découverte de savants, etc. Des éducatrices et des spécialistes animent des ateliers de dessin pour tous les âges, y compris les enfants en préscolaire et plus jeunes même. Des activités pour enfants sont systématiquement organisées au bibliobus pour accompagner les manifestations culturelles de la ville et faire profiter les enfants d'autres communes. Le mois de Ramadhan est une occasion pour débattre des idées et faire connaître des personnalités historiques et religieuses. Pouvez-vous nous donner un aperçu du programme tracé ? Une fois par an nous consacrons un colloque national sur un penseur algérien. Le dernier en date était consacré à Mohamed Arkoun. C'est ainsi que nous tentons d'enclencher un esprit de réflexion et de dialogue. Pour poursuivre cette démarche et adapter les conférences au mois sacré, nous nous focaliserons sur les personnalités littéraires dans la période musulmane et organiserons des conférences sur la poétesse et critique littéraire de l'époque Sakina, petite-fille du prophète, sur l'orateur El-Hajjaj ben Yucef et Abbas Mahmoud Al-Akkad. S'ensuivra le mois du patrimoine, qui sera très riche. Et cela n'est qu'un bref résumé de notre plan d'action.