Le sommet, qui s'ouvre aujourd'hui à Barcelone, aura deux absents de poids. Le Président algérien pour des problèmes de santé et le chef de l'Etat égyptien “en raison de la situation qui prévaut dans la région”. Y a-t-il quelque chose à attendre de ce sommet qui s'ouvre aujourd'hui tant que l'Europe entend toujours faire prévaloir ses intérêts étroits au détriment de ceux des pays de la rive sud de la Méditerranée ? C'est probablement pour cette raison que le chef de l'état égyptien, Hosni Moubarak, a décidé hier d'annuler sa participation au 10e anniversaire du processus de Barcelone. Selon l'agence officielle Mena, le président Moubarak a téléphoné au roi d'Espagne, Juan Carlos, pour s'excuser, et lui dire que les “circonstances actuelles dans la région l'empêchaient” d'assister au Sommet des chefs d'Etat. Il faut dire qu'au bout de dix années d'exercice, le processus de Barcelone n'a pas abouti aux objectifs escomptés, du moins en ce qui concerne la prospérité partagée. Au-delà de l'épineux problème de l'immigration et la question de lutte contre le terrorisme qui constituent réellement des axes d'inquiétude pour les pays européens et maghrébins, il n'en demeure pas moins que le principe de la libre circulation des biens et des personnes reste un vœu pieux. Force est de constater que depuis la signature de l'acte fondateur du partenariat euroméditerranéen, qui devait consacrer la paix, la sécurité, la prospérité partagée et l'échange de culture, l'espace Schengen s'est fermé peu à peu aux espérances maghrébines. D'abord, il y a eu cette dramatique incompréhension de la situation des Etats de l'Afrique du Nord, en particulier l'Algérie qui, faisant face à une vague de terrorisme des plus barbares qu'ait jamais connu l'histoire contemporaine, n'avait pas bénéficié des soutiens nécessaires pour y faire face. Bien au contraire, le Vieux Continent servait de base-arrière aux groupes armés islamistes semant la terreur dans le pays. Et ce n'est qu'après les attentats du 11 septembre 2001, lorsque Al-Qaïda de Ben Laden frappa de plein fouet la première puissance mondiale, en ciblant les Twin Towers, que l'Europe songea à concevoir autrement ses relations avec un Maghreb avec lequel il fallait désormais entretenir des relations beaucoup plus approfondies. Mais là, on s'est vite rendu compte que la coopération tant souhaitée et basée sur les intérêts et le respect commun n'a pas eu lieu. En effet, les aides au développement économique ont été rarissimes, comme l'ont été aussi les soutiens au processus démocratique dans les pays de la rive sud. La coopération s'est exclusivement réduite à l'aspect sécuritaire, allant parfois jusqu'à l'exagération. En effet, c'est sous le fallacieux prétexte de la lutte contre le terrorisme, que le Vieux Continent est devenu une citadelle infranchissable, créant même un amalgame entre terrorisme et islam. Quant au dossier de l'immigration, l'Europe est même allée jusqu'à proposer la création de zones de transit dans les pays du Maghreb pour contenir le flux migratoire. Ce qui a été catégoriquement refusé par les Etats concernés, mais les drames de Melilla et Ceuta sont là pour rappeler l'impérieuse nécessité d'une aide au développement pour fixer les migrants du Sud dans leur pays. Ensuite, la non-application des accords d'Oslo et le blocage du processus de paix israélo-arabe ont vidé de tout son sens la déclaration de Barcelone, sans compter les multiples ingérences américaines dans le Maghreb afin de limiter l'influence de l'Europe dans la région. De l'initiative Ezeinstat jusqu'à l'opération dite Grand Moyen-Orient (GMO), Washington voulait signifier que rien ne peut être entrepris sans son aval. C'est dire que le blocage du processus de Barcelone est dû non seulement à l'égoïsme de l'Europe, mais aussi aux luttes d'influence que se livrent les puissances mondiales dans une région qualifiée de stratégique, tant par sa position géographique que par ses richesses naturelles, en l'occurrence les ressources énergétiques. En attendant qu'un nouveau souffle soit donné au partenariat de Barcelone, Madrid, Londres, Berlin et Paris souhaitent trouver à l'issue du sommet d'aujourd'hui et de demain des solutions concrètes aux problèmes de l'immigration et du terrorisme. Pour ce qui est du développement des pays de la rive sud, il faudrait revenir un autre jour. Salim Tamani