Le premier responsable de cette entreprise de 20 000 salariés, M. Benghanem, justifie le réajustement des tarifs et souligne les difficultés de transition vers un marché démonopolisé, ouvert à différents acteurs. Liberté : Comment justifiez-vous l'augmentation des tarifs de l'électricité ? M. Benghanem : C'est pour rattraper les coûts. Sonelgaz ne rentre pas dans ses coûts. Le prix du gaz que livre Sonatrach à Sonelgaz augmente de 3% chaque année. Le prix du kilowatt/heure n'a donc pas atteint le coût économique. Les tarifs vont augmenter de 3% en 2003 et 2004. S'il n'y avait pas de réajustement tarifaire, la situation de Sonelgaz risquerait de devenir insoutenable. En tant que SPA, nous avons des coûts à couvrir. L'Etat a accepté ces augmentations sur la base de coûts normés. Où en est la mise en œuvre de la loi sur l'électricité par Sonelgaz ? Cela fait une année qu'elle a été promulguée. Sonelgaz est en train de se préparer à l'intérieur : former et expliquer les contours du texte. Le premier effet de la loi est de créer l'opérateur système. C'est le dispatching national. C'est une société par actions qui sera séparée de Sonelgaz où la loi limite la participation de Sonelgaz à 10%. Les 90% ce sont les opérateurs, c'est-à-dire les concurrents de Sonelgaz, les gros consommateurs d'énergie, etc. On peut comprendre le législateur. Aucun opérateur ne peut avoir plus de 10% pour ne pas avoir une influence décisive sur le marché. L'opérateur système (OS) assure à tout moment l'équilibre technique entre la production et la demande d'électricité. Cet opérateur devra être créé au plus tard au mois de mars. Il y a eu le passage de Sonelgaz d'EPic à SPA. Sonelgaz est SPA depuis juin 2000. Il y a eu également nomination du PDG par décret. Les organes sociaux sont l'assemblée générale présidée par le ministre de l'Energie et le conseil d'administration, composé de hauts fonctionnaires de l'Etat et de deux représentants des travailleurs. Sonelgaz va filialiser ses activités. Il y aura des filiales pour le transport de l'électricité, le transport du gaz, la production d'électricité et pour la distribution d'électricité et de gaz. Elles devront être créées au plus tard le 1er juin 2004. La loi prévoit la création de la Bourse de l'électricité cinq ans après la promulgation de la loi, c'est-à-dire en 2007. Quelle est l'incidence de la mise en œuvre de cette loi sur la couverture de la demande ? Il y a ce qu'on appelle la puissance maximale appelée. Il faut en plus des réserves minimales de 15% pour la sécurité. La puissance installée est actuellement de 5 700 MW. La puissance maximale appelée en 2002 est de 5 200 MW. D'où le recours à des délestages d'électricité, notamment à l'est du pays (coupures pendant des heures) dus à un manque de moyens de production et de réserves. (1) On était très optimiste sur la rapidité de mise en œuvre du projet de centrales électriques de 2 000 MW. On vit donc des contraintes pendant les mois de novembre, décembre, janvier et février. Et si on ne fait rien, on va avoir des problèmes d'alimentation énergétique. Car les besoins nouveaux sont de 400 MW annuellement. On peut passer sans mal les contraintes jusqu'à l'hiver 2005-2006. S'il n'y a pas de nouvelle capacité, il sera très difficile de passer l'hiver 2005-2006. En 2003, la centrale du Hamma tournera à pleine capacité (400 MW). En 2002, elle était au stade des essais. la mise en service de la centrale de 800 MW interviendra en octobre 2005. On a tenté de brider le monopole. On nous a demandé de ne pas investir en moyens de production. C'est ce qui explique ces difficultés. On est en période de transition vers l'ouverture du marché. Cette transition risque d'être un peu longue. Le fait de n'avoir pas investi ces dernières années en production nous a permis de disposer de cash flow. Si on avait investi dans la production, on n'aurait pas eu ce cash flow. Des responsables du secteur disent que Sonelgaz enregistre des pertes d'énergie dans les centrales électriques. Pas du tout. On enregistre des vols. Il y a énormément de fraude. Cela représente 4% du chiffre d'affaires. Si ça continue, on va fragiliser Sonelgaz. On va lui faire perdre des postes d'emploi. Des concurrents vont lui reprendre le réseau sous forme de concessions. En 2001, sur 20 000 affaires où il y a eu dépôt de plainte par Sonelgaz, 200 seulement ont connu une suite. Les tribunaux sont encombrés. Qu'entreprend Sonelgaz pour recouvrer ses créances ? Les créances se chiffrent à 25 milliards de dinars. Elles représentent cinq mois de son chiffre d'affaires. On négocie les échéanciers avec les entreprises. Ceux qui ne veulent pas payer, on leur coupe l'électricité. C'est surtout l'administration qui est un mauvais payeur. Beaucoup de communes sont déficitaires et ne paient pas. Pour les entreprises dissoutes, on accule les liquidateurs. Les entreprises de distribution d'eau paient également de façon irrégulière. Comment évolue la gazéification du pays ? On mettait en service 10 ou 12 localités par an. Aujourd'hui, on met 35 localités. On prévoit, en 2003, 80 localités. On a raccordé environ 70 000 abonnés en 2002. En 2003, il est prévu 100 000 abonnés. Le taux de gazéification passera, fin 2003, à 34% contre 33% actuellement. Un pays comme la Hollande a un taux de 40%. Aucune ville du nord du pays n'est dépourvue d'un réseau gaz. Plus de 360 localités ont actuellement accès au gaz. Ksar Chellala, El-Kala et Béchar seront alimentées en propane. Restent des chefs-lieux des wilayas du Sud comme Tamanrasset, Tindouf et Illizi. Il y a 1,5 million d'abonnés au gaz contre 4,8 à l'électricité. Où en est l'interconnexion électrique avec les pays voisins ? C'est un réseau de 400 KV qui va d'El-Hadjar jusqu'à la frontière est, pour relier en Tunisie Jendouba, et de Ghazaouet à la frontière ouest, pour se connecter à Oujda. Cette boucle sera achevée au plus tard fin 2004. Quant à la boucle euro-méditerranéenne du nord de l'Espagne jusqu'au Bosphore, elle est interconnectée. Comment se prépare Sonelgaz à la concurrence ? On est en train de réhabiliter et de moderniser le réseau. Sur quatre ans, on investira 50 millions de dollars. Ce réseau touchera dans une première phase Alger et Oran qui ont un réseau très vétuste. Il y a un plan d'amélioration de la distribution en vue de la rendre conforme aux standards internationaux. On va investir en lignes. On va fiabiliser le réseau. Comment voyez-vous les perspectives de Sonelgaz ? Sonelgaz va s'occuper de sa restructuration. Ce n'est pas chose facile. Pour se maintenir, il faut améliorer la qualité de service. Il y a un programme d'expansion estimé à 6 ou 7 milliards de dollars sur six ou sept ans. Sonelgaz va s'occuper de sa mise à niveau, de la formation du personnel, de la réhabilitation du réseau et répondre à la croissance de la demande en énergie électrique évaluée à 6% annuellement. N. R. (1) Le déficit est évalué en hiver à une centaine de MW