L'ancien Président a jeté un pavé dans la mare en plaidant pour le retour sur la scène politique du parti dissous. Hasard du calendrier, concours de circonstances ou sorties calculées ? Au moment où le chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika relançait, depuis Tlemcen, la controverse sur la loi du 23 février, votée par le Parlement français, et évoquait la réconciliation nationale, le premier président de la République algérienne décortiquait depuis Le Caire, sur le plateau d'Al-Jazeera, le concept de l'amnistie générale et les enjeux qui l'entourent. Si le premier l'a ignorée à Tlemcen, le second s'y est étalé longuement. À telle enseigne qu'il est à se demander finalement si la mission de Ahmed Ben Bella ne procédait pas d'une espèce de ballon-sonde ou alors de l'objectif visant à lever quelque voile sur le projet présidentiel. Ainsi, Ahmed Ben Bella a révélé que la loi sur l'amnistie générale sera prête dans “deux à trois mois”, soit théoriquement à la rentrée sociale. Ce qui corrobore les propos du président du MSP qui indiquait récemment que le référendum sur l'amnistie aura lieu avant la fin de l'année. “On continue à travailler dessus, et la loi sera prête dans deux à trois mois”, a indiqué l'ex-Président, invité de l'émission Bila houdoud. “Une loi qui détaille toutes les étapes”, a-t-il ajouté. Ahmed Ben Bella, qui paraissait très à l'aise dans ses réponses en sa qualité de président de la commission qui chapeaute le projet présidentiel, s'est même permis de montrer “le chemin à suivre”. “Le gouvernement doit prendre en charge les victimes et doit leur assurer une vie décente. Il faut une loi qui doit être appliquée.” “Êtes-vous pour une réconciliation sans le jugement des auteurs des crimes ?” interroge le journaliste. “Je suis de ceux qui souhaitent tourner la page et passer à autre chose”, a-t-il dit en se référant, comme pour justifier la démarche, à l'Islam. “L'ex-FIS doit participer” D'ailleurs, à contre-courant des voix officielles qui avaient affirmé que le dossier du “FIS est clos”, l'ex-président de la République a estimé nécessaire, pour la réussite de la réconciliation, le retour du parti dissous sur la scène politique. “Toutes les parties doivent participer, et l'ex-FIS en fait partie. Il doit participer et même à l'activité politique”, a-t-il suggéré. Ahmed Ben Bella répondait ainsi à la question de savoir si la réconciliation était possible au moment où les responsables du parti dissous sont soumis à des restrictions. Cependant, s'il concède que “les Algériens sont un grand peuple” et que “la violence a fortement diminué”, le président de la Cnag n'en reconnaît pas moins que l'entreprise de réconciliation n'est pas une tâche aisée. “Ça demande du temps pour effacer les plaies”, a-t-il reconnu. Mais l'aveu cache, à vrai dire, certains obstacles même s'il refuse d'en révéler la nature. “On a fait des progrès sur le plan psychologique, mais il faut du temps”, a-t-il dit en suggérant que les familles des victimes ainsi que les problèmes sociaux constituent aussi des questions à résoudre. “Il n'y a pas qu'un seul camp qui a tué” Mais la difficulté à laquelle semble faire allusion l'ancien président de la République est liée beaucoup plus aux acteurs de la crise. À sa manière, il apporte de l'eau au moulin des adeptes du “Qui tue qui ?” “Le pays a traversé une période dangereuse, et il n'y a pas qu'un seul qui camp qui a tué.” C'est pourquoi, à ses yeux, l'entreprise de réconciliation ne doit pas être menée par les “responsables de la crise”. La seule personne qualifiée, selon lui, à mener le projet à bon port s'appelle Abdelaziz Bouteflika. “Il est intègre et est élu à 85% lors une élection la plus ouverte et transparente de l'histoire”, a-t-il justifié assorti cependant d'un conseil à l'endroit de celui qu'il semble admirer : “Il ne doit pas se précipiter !” Quant à l'hostilité affichée par les ONG internationales, notamment Amnesty International contre l'amnistie générale, Ben Bella se contente de répondre que “la réconciliation est une affaire algérienne (sic !) et une question d'Islam”. Par ailleurs, il a rappelé qu'il était en contact depuis plusieurs mois avec “ceux qui sont au maquis”. KARIM KEBIR