Dans cet entretien, le premier responsable de ce département dresse un bilan des actions entreprises depuis trois ans pour fixer les populations dans les zones rurales. Liberté : Pourriez-vous établir un bilan de la politique de développement rural mise en œuvre depuis trois ans ? Rachid Benaïssa : Sur la base de cette stratégie nationale du développement rural durable, les 48 wilayas ont élaboré leurs propres stratégies décennales. Cela est un acquis. Les responsables locaux ont identifié dans le cadre de cette stratégie quelque 9 100 projets de proximité de développement rural (PPDR) à monter et à lancer entre autres grandes actions déjà lancées. Ces PPDR concerneraient entre 5 à 5,5 millions de personnes d'une manière directe ou indirecte. Ce qui donne une meilleure visibilité à toutes les wilayas et leur permet de mieux gérer les enveloppes allouées par l'état pour chacune d'elles. Il y a eu, à ce propos, une déglobalisation financière pour les trois années à venir dans le cadre du programme quinquennal annoncé par le président de la république. Toutes ces conditions créent une nouvelle situation où l'on s'adressera aux espaces ruraux d'une façon intégrée, rationnelle et efficace en impliquant les populations qui y vivent dans cette dynamique d'ensemble. Pour nous, cela est un résultat assez important qui s'impose graduellement au sein de toutes les wilayas. Dans le même temps, nous ne pouvons pas réfléchir à un développement rural sans intégrer tout cela dans l'évolution économique et la dynamique d'ouverture à laquelle s'attelle le pays. D'où, notre slogan : penser mondial, territorialiser l'approche et agir sur le local. Cette stratégie est très bien appréciée par les institutions internationales spécialisées. Pourrions-nous avoir une idée sur l'ampleur de l'exode rural durant la décennie noire ? Les statistiques qui existent sont évaluées entre les décennies. Ainsi, entre 1987 et 1998, on a estimé l'exode rural à 1,5 million de personnes. Il y a eu également à l'intérieur des wilayas des mouvements des zones rurales vers les chefs-lieux de communes ou de wilayas à cause de l'insécurité qui prévalait durant les années 1990. En outre, depuis 2000, le ministère de l'intérieur et des collectivités locales a lancé un programme pour accompagner le retour et qui a trouvé son prolongement dans le Plan national de développement agricole (PNDA). Nous assistons, aujourd'hui, à des retours qui sont signalés ici et là par la presse… À ce propos, détenez-vous des données chiffrées sur ces retours de populations ? C'est un processus qui se poursuit, nous ne pouvons donner de statistiques à ce sujet. Toutefois, cela varie d'une wilaya à une autre. Il est déjà annoncé le retour de quelque 11 000 personnes dans une wilaya, 8 000 dans une autre, 3 000 dans une autre… Ces citoyens reviennent pour réoccuper les habitations abandonnées, leurs territoires et travailler leurs terres ou reprendre leur activité industrielle dans sa petite unité… Quels sont, de ce fait, les besoins de ces populations qui réoccupent leurs territoires ? D'abord, elles ont constaté que la sécurité est rétablie. à ce titre, les citoyens reviennent pour travailler leurs terres. Ils sollicitent ensuite un accompagnement pour reconstituer ce qu'ils ont perdu en terme d'outils de travail et de l'amélioration des conditions d'habitation, de scolarisation de leurs enfants et de proximité du centre de santé. Une autre demande qui revient souvent : le désenclavement, une demande satisfaite dans la majorité des cas par les autorités locales. Selon vous, quelles seraient les conditions nécessaires pour fixer, désormais, ces populations sur leurs territoires ruraux ? La question qui se pose : est-ce que la société, dans sa globalité, avec son administration et ses différents services, a la capacité de mettre en connexion et en synergie l'ensemble des programmes et des projets qui sont en train d'être menés au profit d'une action et des populations qui, elles-mêmes sont isolées ? Notre stratégie vient à juste titre, renforcer cette coordination entre les divers intervenants, chacun dans son domaine et suivant son propre programme, dans ces espaces à densité humaine faible et où les activités agrosylvio-pastorales sont importantes, mais les autres atouts sont insuffisamment connus ou identifiés. Cela ne peut cependant se faire que dans le cadre d'un programme de proximité et d'innovation dans des territoires bien définis. Trois ans après leur lancement, quelle évaluation faites-vous quant à la réalisation de ces projets ? Les PPDR sont d'abord des démarches qui favorisent la participation des populations concernées et l'intégration des différents dispositifs dans le but d'améliorer les conditions de vie. Beaucoup d'actions sont concrétisées sous l'impulsion des autorités locales. Les projets formalisés dans la logique des PPDR, dépassent les 1 500. Ainsi, une dynamique est enregistrée au sein de ces territoires. Pourquoi les aides n'arrivent-elles pas aux véritables agriculteurs ? Souvent, cela est dû à un problème d'information. Soit, on ne connaît pas les dispositifs ou on ne les connaît qu'à moitié. Les gens s'informent malheureusement par ouï-dire sans se rapprocher des structures concernées. Ceci constitue un grand handicap dans ces zones où l'information circule mal. Pour une meilleure explication des divers dispositifs, une action est programmée dans ce sens, soit à travers le mouvement associatif soit par nos organisations à la base ou par le biais de nos déplacements vers ces localités. Aujourd'hui, la stratégie est mise en œuvre. Elle est peaufinée au fur et à mesure qu'elle touche un plus grand nombre de personnes. D'où l'apparition de nouveaux concepts, notamment la “bonne gouvernance”. Que suggérez-vous, en ce sens, aux responsables locaux ? Vous savez, quand vous faites participer les populations et lorsque vous travaillez dans une transparence et une synergie, vous êtes en train de créer les conditions pour une meilleure gouvernance des territoires ruraux. Cette démarche est adoptée par les populations rurales et les autorités locales. Cette dynamique répond à une instruction très précise réitérée souvent par le président de la république : les efforts et les deniers publics que nous mettons pour le développement doivent toucher toutes les zones du pays sans exclusion ni marginalisation tout en rationalisant toutes ces interventions. Par conséquent, la bonne gouvernance veille à la rationalité dans l'utilisation des moyens et financements de l'état. B. K.