L'association Maurice-Audin a décerné, jeudi 8 décembre 2005 à Paris, et pour la deuxième année consécutive, le prix éponyme de mathématiques à Brahim Mézerdi et Didier Smets. Le prix remis à chacun d'eux est de 1 500 euros et un voyage d'une semaine en France, pour l'un, et en Algérie pour l'autre. La sélection des lauréats obéit à des critères strictement scientifiques, insiste Gérard Tronel, président de l'association à l'origine du prix. En effet, Brahim Mézerdi est chef du département de mathématiques de l'université de Biskra et spécialiste en équations statistiques et de leur contrôle optimal. Il a publié de nombreux articles dans des revues internationales dont certaines prestigieuses, précisera Pierre-Louis Lions, président du jury et professeur au Collège de France. Quant à Didier Smets, il est belge et enseigne à l'université Pierre et Marie, Paris VI. Il est également spécialiste des problèmes d'analyse non linéaire, notamment des problèmes de Guinzburg-Landau. Le jury est lui aussi à la hauteur de l'intérêt que les intéressants accordent à l'événement, puisqu'il est composé, outre du président, déjà cité, de Mme Marie-Françoise Roy, présidente de la Société de mathématiques de France, de Yvon Maday, président de la Société de mathématiques appliquées et industrielles, de Djamel Teniou, président de l'Association des mathématiciens algériens, et de Kamel Hamdache, directeur de recherches à Paris. Le but de ce prix est de faire éclater la vérité sur la disparition de ce jeune Algérien, enseignant de mathématiques à l'université d'Alger et militant pour l'indépendance de son pays dans les réseaux du Parti communiste algérien, mort sous la torture que lui avaient infligée les parachutistes du colonel Jacques Massu, qui l'avaient arrêté le 10 juin 1957. Les militaires justifient cette disparition par l'évasion de l'intéressé lors d'un transfert. Rejetant cette version des faits, Mme Josette Audin, l'épouse de la victime, alerta des militants anticolonialistes en France : Laurent Schwartz, Pierre Vidal Naquet et d'autres intellectuels qui créèrent à cet effet le Comité Maurice Audin. Le Comité militera également et activement pour l'indépendance de l'Algérie et pour l'abolition de la torture. Sur proposition de Schwartz, aujourd'hui décédé, un prix au nom de cet Algérien est également institué et attribué entre 1958 et 1963 à Jacques-Louis Lyons, Jean-Pierre Kahane, André Néron, Michel Lazard, Marcel Berger, Paul-André Meyer et Pierre Cartier. Mlle Anne de Bouard, qui avait bénéficié, en 2004, en même temps que Mohamed Sidi Bouguima, de ce prix, passa, en septembre dernier, un séjour d'une semaine entre Tlemcen, Alger et Biskra, où elle fut invitée, mais sans rapport avec le prix, par son confrère Mézerdi, qui est aussi vice-président chargé de la coopération à l'université de cette ville. Gérard Tronel est animé d'un sentiment partagé quant au combat de son association. D'un côté, l'espoir que le colloque organisé récemment en France à propos de la disparition du leader marocain Mehdi Ben Barka (ancien professeur de mathématiques du roi Hassan II) entraînera peut-être des avancées sur la vérité sur celle de Maurice Audin, et de l'autre, des inquiétudes après le vote en France par les députés de droit de la loi du 23 février 2005, qui fait état des aspects positifs de la colonisation. Il ne cache pas non plus que sur quatre contacts qu'il entreprend pour faire bouger les choses, trois sont hostiles ou très hostiles. Mais il n'est pas près de baisser les bras. H. A.