Les intervenants, dont des historiens, ont rappelé l'importance de la « reconnaissance des crimes, dont la torture et les disparitions », commis par le colonialisme français pendant la guerre de Libération nationale. Le 50e anniversaire de la disparition (21 juin 1957) de Maurice Audin, jeune mathématicien de 25 ans et militant anticolonialiste qui fut arrêté le 11 juin de la même année à Alger par des soldats français en pleine guerre de Libération nationale, a donné lieu à une rencontre organisée jeudi soir à Paris, à l'issue de la cérémonie de remise du prix Maurice Audin de mathématiques à trois chercheurs algériens et trois de leurs homologues français. Pour la session 2006, le prix a été remis à Nadjia El Saâdi, de l'Institut national de la planification et de la statistique d'Alger, et à Thierry Barbot, chargé de recherche à l'Ecole normale supérieure de Lyon. Le prix Maurice Audin de la session 2007 est revenu ex aequo à Dalila Azzam Laoui, maître de conférences à l'université de Jijel et à Abdelfatah Bouziani, professeur au Centre universitaire d'Oum El Bouagui, ainsi qu'à Didier Bresch, directeur de recherche au Centre national français de recherche scientifique (CNRS) et à Benoît Desjardin, professeur associé à l'Ecole normale supérieure de Paris. Cette rencontre, qui a eu lieu à la Bibliothèque nationale de France (BNF), a permis à des témoins, dont Henri Alleg, militant anticolonialiste, journaliste et écrivain, Jean-Jacques de Félice et Roland Rapaport, avocats, d'évoquer la mémoire de Maurice Audin et celle de millions d'Algériens ayant lutté pour la l'indépendance de leur pays. Les intervenants, dont également des historiens, ont rappelé l'importance de la « reconnaissance des crimes, dont la torture et les disparitions », commis par le colonialisme français pendant la guerre de Libération nationale. « Certains, qui ne savent rien ou prétendent ne rien savoir de ce que fut le système colonial, s'étonnent et vont même parfois jusqu'à s'indigner que des deux côtés de la Méditerranée, on refuse d'oublier et on continue d'exiger qu'enfin la vérité, toute la vérité, soit dite sur une guerre dont on refusait, jusqu'il y a peu de temps, de dire même le nom et sur les crimes et les moyens épouvantables utilisés pour la mener », a souligné Henri Alleg. Il a dénoncé « ceux qui faisaient exécuter sommairement des centaines de prisonniers algériens et camouflaient en “évasion'' leur assassinat, comme ils le firent pour Maurice Audin ou en “suicide'' comme ce fut le cas pour Larbi Ben M'hidi et Ali Boumendjel ». « Des actes si odieux et si inavouables qu'avec la complicité des pouvoirs en place, ils gardèrent le silence sur leurs forfaits en maintenant des versions mensongères durant des décennies. Un silence que les assassins de Maurice Audin n'ont toujours pas rompu et que les autorités de la République (française) ne les ont pas sommés de rompre », a-t-il dit devant une assistance nombreuse. Pour ce militant anticolonialiste qui ne cesse de dénoncer la torture pratiquée par les forces coloniales pendant la guerre de Libération nationale (1954-1962), « se battre pour que les jeunes générations connaissent enfin la vérité » est non seulement un devoir de mémoire mais également « un combat toujours actuel ». De son côté, Gérard Tronel, un des responsables de l'Association Maurice Audin qui a organisé la cérémonie de remise du prix et cette rencontre, a rappelé, selon l'APS qui a rapporté l'information, le contexte dans lequel fut arrêté (le 11 juin 1957) Maurice Audin, ajoutant que ce militant anticolonialiste est « mort sous la torture probablement entre la date de son arrestation et le 21 juin 1957 ». « N'en déplaise aux nostalgiques de la colonisation et de ses bienfaits, Maurice Audin a bien été assassiné et si Vidal Naquet (historien français décédé en juillet 2006) a donné une version plausible de sa mort. Aujourd'hui, nous ne savons pas qu'est devenu Maurice Audin, il est mort sans sépulture », a relevé M. Tronel. Il a ajouté que « c'est le militant qui a été assassiné, le mathématicien n'avait, sans doute, pas d'intérêt pour ceux qui l'ont tué ». Les témoignages de Jean-Jacques de Félice et Roland Rapaport, avocats, qui ont fait partie du collectif de défense de militants de la cause nationale lors de la guerre de Libération, ont permis de rappeler à la mémoire la répression, la torture et les disparitions utilisées comme armes supplémentaires par l'armée coloniale.