Ould Abbès a présenté devant les ministres arabes des Affaires sociales, réunis hier au Caire, “l'expérience algérienne de lutte contre le terrorisme”. Cette expérience se résume au rôle de la société civile. Vague concept qui semble désigner une communauté à géométrie variable faite de personnes conscientes et agissantes et qui, selon le locuteur, englobe différentes catégories de gens. La “société civile” positive a priori les actes et leurs auteurs. Cette société qui, dans la conception du ministre, est faite d'“organisations” aurait eu “un rôle prépondérant dans la lutte contre le terrorisme et contre les idées que ces groupes véhiculent”. On remarquera que Ould Abbès lui-même n'a pas identifié le terrorisme et les idées en question. Timoré, autant que le furent beaucoup de membres des sociétés civile et même politique, il réussit à parler du terrorisme sans parler de l'islamisme. Ce ne sont pas les “groupes” qui véhiculent les idées criminelles ; eux les mettent en œuvre ! Ce sont “les identités meurtrières”, comme dirait Amin Maâlouf, colportées par des idéologues islamistes qui ont semé — et sèment encore — la mort et la terreur. Et ces idéologues, qui sont encore structurés dans des “organisations de la société civile” et dans des partis, sévissent toujours. Une expérience algérienne qui a fait 200 000 morts n'est pas un exemple à conseiller. Avec un tel bilan, elle est plus à méditer qu'à exporter. La lutte contre le terrorisme est le fait de forces de l'ordre et de Patriotes engagés qu'il serait faux de confondre avec quelque imprécise société civile. Il y a eu des associations adeptes du djihad contre les mécréants que furent les Algériens qui se sont tenus à l'écart des velléités intégristes ; il y a eu des hommes politiques pris d'un regain de religiosité dans leurs apparences et leurs discours ; il y a eu des personnalités qui, au mieux, se sont terrées, au pire, se sont cachées derrière la neutralité finalement possible entre le bien et le mal ! À l'inverse, il y a eu des fellahs qui ont défendu leur dignité, des intellectuels qui ont pris les armes pour soutenir leurs convictions. C'est étrange que nos dirigeants puissent déjà parler du terrorisme au passé, comme on parle d'une expérience accomplie, alors qu'il y a toujours les bacs de béton aux abords des institutions, que les voitures blindées sont toujours en service et que les résidences du Club-des-Pins clos sont toujours si convoitées. Il n'est pas convenable qu'en pleine commémoration du dixième anniversaire du sacrifice du Patriote Mohamed Sellami de diluer la lutte des uns dans la compromission des autres pour refaire l'histoire dans l'épopée d'une résistance désincarnée. Le terrorisme a eu — et a toujours — ses idéologues, ses soldats, ses soutiens et ses suppôts. La République a ses défenseurs. Entre les deux, la lâcheté profite toujours au mal. Et puisqu'il faudra bien faire un jour l'histoire de la “décennie noire”, il ne serait pas bon de rejouer d'autorité la partition du “un seul héros, le peuple”. On l'a fait pour la révolution ; on sait ce que cela nous a coûté et nous coûte encore. Ne récidivons pas. M. H.