Au grand dam de Paris, le conflit ivoiro-ivoirien, annoncé comme résolu à l'issue du conclave de Marcoussis, tenu sous le “haut patronage” du Quai d'Orsay, revient au devant de la scène. Les manifestations antifrançaises que vit Abidjan depuis la signature de l'accord ont conduit le président Laurent Gbagbo à opérer une volte-face surprenante vis-à-vis de la France. Cherche-t-il à se libérer de l'ex-puissance coloniale, comme le demandent les manifestants, qui se sont regroupés devant l'ambassade américaine en Côte-d'Ivoire avec leurs pancartes “USA Help us” (“Etats-Unis, aidez-nous”)? Ira-t-il jusqu'à renier tous ses engagements, notamment la désignation du nouveau chef du gouvernement Seydou Elimane Diarra, conformément aux accords de Marcoussis ? La pression sur Gbagbo est telle qu'il n'est pas exclu qu'il fasse marche-arrière. Son ministre de l'intérieur, Paul Yao N'Dre, dont l'influence ne serait pas négligeable, n'y est pas allé par quatre chemins pour déclarer “nuls et non avenus” les accords de Paris. Selon lui, “on a fait une prime à la rébellion, ce que n'admettent ni le peuple de Côte-d'Ivoire ni les forces armées nationales. Il suffit de tirer des coups de feu pour s'introduire dans un gouvernement et déstabiliser l'ensemble de la sous-région”. La position du ministre de l'Intérieur est confortée par l'armée, qui refuse l'attribution des ministères de la Défense et de l'Intérieur aux rebelles. C'est un mémorandum, paraphé par l'armée, la gendarmerie, la police, les agents des eaux et forêts et les douanes, transmis au président Gbagbo, qui remet en cause l'accord de Marcoussis. Le soutien de la rue et des militaires influencera sûrement la position du chef de l'Etat ivoirien, jusque-là silencieux, malgré l'appel pressant du ministre français des Affaires étrangères de s'expliquer rapidement sur le retard dans la mise en œuvre de ce qui a été convenu à Paris. Il faut dire qu'il est dans une position délicate, lui qui rejette catégoriquement toute idée de démission. La Côte d'Ivoire n'est pas près de retrouver la paix, disparue avec la mort du père fondateur de nation ivoirienne, Felix Houphouët-Boigny. K. A.