Comme chaque année, à l'occasion des fêtes de l'Aïd El Adha, le marché aux bestiaux, notamment celui des ovins, subit une forte demande. Chaque samedi, jour de marché hebdomadaire, dès les premières heures, des camionnettes chargées d'ovins arrivent de tous les coins de la région et même d'ailleurs. La partie réservée aux bêtes est la plus visitée. Dans une virée au souk, il nous a été donné de constater que l'offre est nettement supérieure à la demande. Mais, beaucoup d'indices nous montrent que la réticence des uns dépasse la sollicitation des autres. Si le nombre de vendeurs est nettement important, celui des acheteurs ne l'est pas comme les années précédentes. À commencer par les prix fixés au préalable. Un mouton est cédé entre 12 000 et 30 000 DA, proportionnellement à sa taille et son âge. L'autre fait remarquable est la prolifération des maquignons “d'occasion”. Effectivement, en raison de la forte demande, beaucoup de personnes se sont converties en maquignons dans le but de faire des bénéfices faciles comme d'habitude. Interrogé, l'un des anciens maquignons connu dans ce genre de marchés, Ammi Salah, nous a répondu : “Ecoutez, on remarque que les éleveurs sont naïfs. Certains maquignons sans scrupules marchandent les prix en dehors du souk. Ils s'attaquent surtout à ceux qui ne connaissent pas réellement les prix. Ces derniers temps, ce sont justement ces nouveaux maquignons qui fixent le prix. Pourtant, comme vous voyez, il y a trop de moutons mais les prix restent toujours élevés.” Un autre maquignon de cette nouvelle génération n'est pas du tout du même avis : “Ce n'est pas facile d'élever des moutons en ces temps de vaches maigres. Leur nourriture coûte excessivement cher. Il ne faudra pas aussi oublier que le prix d'un mouton avant l'élevage dépasse les 12 000 DA. Sans oublier également que nous, les revendeurs, n'arrivons dans le meilleur des cas à gagner que 200 voire 300 DA par tête. Parfois, ce sont les frais de transport de la bête, et si elle n'est pas vendue il faudra la ramener une autre fois.” En tout cas, à entendre les uns et les autres, il n'est pas aussi facile de suivre le cours du marché. Dans cette situation, seul l'acheteur est pris en étau. “Je ne peux pas égorger un mouton et laisser mes enfants sans vêtements”, avoue un fonctionnaire. Et d'ironiser : “on attend l'achat du mouton par facilité comme un ordinateur pour chaque famille !” Enfin, en raison de toutes les difficultés financières dont souffrent la plupart des citoyens, cette tradition a tendance à disparaître même au sein des villages où, il y a quelques années, chaque famille avait son mouton dès la fin de la fête précédente. Comme ce fonctionnaire interrogé, nombreux sont ceux qui relèguent ce sacrifice au dernier plan devant les autres exigences de l'heure, à savoir l'éducation de leurs enfants et bien d'autres nécessités. O. Ghilès