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Les habitations du nord du pays restent très vulnérables au risque sismique Les leçons du passé ne sont pas tirées : les méfaits d'une urbanisation sauvage
L'exode rural, l'insécurité due au terrorisme et la crise de logement sont trois facteurs qui ont encouragé la naissance des cités anarchiques au sein et à la périphérie des villes. Des quartiers entiers sont nés anarchiquement sans le respect des normes architecturales ou urbanistiques. Il s'agit ainsi de l'émergence subite de constructions illicites. Les choix économiques opérés depuis l'indépendance du pays ont été axés sur une industrialisation active réalisée au détriment de l'agriculture qui a été quelque peu délaissée et abandonnée. Ce phénomène a donné lieu conséquemment à un fort exode des populations rurales vers les villes qui offraient beaucoup plus de conditions de vie. “Il en résulte, d'une part, la non-préparation du citoyen d'origine rurale à une vie citadine à laquelle il n'a pas été habitué et, d'autre part, une crise identitaire profonde qui engendre une sorte de rejet permanent d'une frange importante de cette population à tout ce qui lui est imposé par des normes rigoureuses en matière d'urbanisme. En effet, l'Algérien en général, tout en vivant à l'intérieur même d'une ville, se définit beaucoup plus par son identité rurale d'origine, sa communauté, son arch, sa famille, sa religion, ses coutumes et habitudes. Ceci se traduit pour lui par une dévalorisation de ses valeurs ancestrales, voire même par une perte de ses repères”, explique le Collège national des experts architectes (CNEA). La responsabilité des autorités locales qui n'ont jamais levé le doigt pour freiner ce désordre est évidente. Même les constructions qui ont bénéficié d'un permis de construire en bonne et due forme ne se font pas souvent dans le respect de la loi. Pis, il n'y a pratiquement aucun contrôle ni sanction. À ce sujet, comment peut-on prétendre vouloir sanctionner une construction non autorisée à l'achèvement des travaux, alors que la police de l'urbanisme est censée intervenir au moment des terrassements, c'est-à-dire avant le démarrage des travaux ? “La question qui se pose est la suivante : y a-t-il une stratégie pour mettre en place une gestion urbaine?” s'interroge le collège. Y a-t-il un suivi, se demande-t-il, pour son application effective sur le terrain ? Laxisme des autorités locales Des décisions en matière de construction continuent à ce jour d'être prises dans la précipitation. De nombreuses ZHUN, agglomérations et cités sont dépourvues d'infrastructures d'accompagnement nécessaires telles que les routes, écoles, crèches, mosquées, transports, commerces, loisirs, sport, espaces verts, eau, gaz, téléphone… Ceci se traduit par un manque d'harmonie qui rend le site agressif. Il faut noter que ce ne sont pas les techniciens qui détiennent pourtant le savoir, les connaissances et la technique qui décident, mais plutôt l'administratif. Les architectes et les urbanistes ne sont jamais associés ou consultés sur ce sujet. Ce sont les autorités locales dont les élus ne sont pas suffisamment formés en matière d'architecture, d'urbanisme et d'aménagement, relève le CNEA, qui activent dans leurs communes aux lieu et place des hommes de l'art. Un important décalage est enregistré entre les plans d'urbanisme approuvés et l'application sur le terrain. En outre, et malgré les risques naturels auxquels est confronté le territoire national, on persiste malheureusement à agir sans tenir compte du facteur vulnérabilité. Il faut rappeler à ce propos que le risque sismique reste très élevé sur tout le nord du pays. Pis encore, des inondations, des éboulements, des glissements de terrain… sont à craindre aussi. Par conséquent, toutes ces spécificités culturelles et géotechniques imposent une vision d'un urbanisme propre à notre société. Car copier sur les modèles urbanistiques des pays développés serait une erreur, et il serait erroné de s'en inspirer en totalité. Il faut un urbanisme propre à notre société “Il est indispensable de convenir d'une conception précise de la ville pour pouvoir avancer dans le bon sens et ne plus commettre les mêmes erreurs que par le passé où le citoyen a été soumis malgré lui à un type de vie urbaine défaillant. Rendre à l'architecte et à l'urbaniste leur place pour pouvoir mettre en place des instruments d'urbanisme sérieux. À l'heure actuelle, l'urbanisation est subie : elle est estimée à 80% de la totalité de la population algérienne. On relève une surconcentration de la population dans les grandes villes du nord du pays où se situe l'essentiel des activités économiques”, constate le CNEA. Or, la gestion de la ville est liée à l'aménagement du territoire, à savoir la localisation des activités économiques de développement, l'agriculture, l'équilibre régional et la poussée démographique. Cependant, l'écrasante majorité des Algériens vivent entassés dans les grandes villes du Nord qui demeurent pourtant toujours exposées au risque sismique et autres catastrophes naturelles. L'urbanisation est subie, elle se fait tous azimuts sans aucun contrôle. C'est du bâti sans espace urbain qui est enregistré quotidiennement. Les occupants de ces nouveaux espaces proviennent en majorité de la campagne qui a été délaissée. Les citoyens ont quitté leurs terres d'origine et abandonné leurs racines pour s'implanter sauvagement dans ces espaces urbains clandestins. Ce phénomène d'exode et de déséquilibre doit être, selon le CNEA, pris en compte en priorité pour parvenir un jour à inverser la tendance actuelle, afin que nos villes puissent mieux respirer, être facilement gérées et devenir ainsi vivables. Badreddine K.