Contre toute attente, le chef de l'Etat syrien fait volte-face. Il refuse catégoriquement de rencontrer les membres de la commission d'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri, après avoir exigé dans un premier temps une base juridique pour cette rencontre. Mettant en avant la souveraineté nationale, Damas a mis une fin de non-recevoir à la requête des enquêteurs de l'ONU d'auditionner le président Bachar Al-Assad. Ainsi, alors que le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté en octobre dernier une résolution enjoignant aux autorités syriennes de coopérer pleinement avec la commission d'enquête sous peine de mesures non spécifiées, les dirigeants de ce pays se complaisent dans leur situation. Ceci pourrait accentuer les pressions qu'exerce la communauté internationale sur Damas. “L'explication principale est que la Syrie estime que cette requête viole les principes de la souveraineté”, a affirmé sous le couvert de l'anonymat un diplomate syrien. Pour rappel, Bachar Al-Assad avait posé la condition d'une base juridique pour qu'il soit entendu par la commission d'enquête des Nations unies, tout en précisant que celle-ci avait déjà “proposé de venir en Syrie à la fin de l'été pour écouter des témoins syriens, comme ils les appellent”. “La demande de la commission d'enquête de l'ONU à me rencontrer n'est pas la première du genre, il y en a eu une précédente à la fin de l'été dernier mais le chef de l'Etat a une immunité internationale”, avait insisté le raïs syrien dans l'interview publiée par un hebdomadaire égyptien. Continuant sur sa lancée, il s'est violemment attaqué à son ancien bras droit, Abdelhalim Khaddam, qu'il a accusé d'avoir inventé des mensonges pour trahir son pays. Revenant sur l'incident des menaces qu'il aurait proférées contre l'ex-Premier ministre libanais, Al-Assad dira : “Cet incident n'a jamais eu lieu. Le but de ces allégations est clair, c'est de lier les menaces à l'assassinat.” “Je souhaite affirmer ici que personne n'était avec nous la dernière fois que Hariri et moi nous sommes rencontrés. D'où sortent donc ces accusations ?” a-t-il martelé. “Je suis un homme direct et franc et je ne sais pas ce que veulent dire certains en parlant de menaces contre Hariri. Ceci n'est pas vrai”, a affirmé le maître de Damas. Quant aux raisons du suicide en octobre de l'ex-chef des services de renseignements syriens au Liban, le général Ghazi Kanaân, Al-Assad expliquera : “Nous n'avons pas jusqu'à présent d'informations sur les raisons du suicide de Ghazi Kanaân, mais nous avions des données auparavant sur une relation avec cette tendance de Khaddam.” Par ailleurs, un sommet entre le président syrien Bachar Al-Assad et le roi Abdallah d'Arabie Saoudite a eu lieu, hier, à Djeddah pour discuter de la crise née de l'implication présumée de Damas dans l'assassinat du leader libanais Rafic Hariri. Enfin, Abdelhalim Khaddam a révélé après son audition à Paris par Detlev Mehlis, le chef de la commission d'enquête de l'ONU : “J'aurais été assassiné si j'avais fait mes déclarations lorsque j'étais encore à Damas.” Il a confirmé avoir répondu aux questions de l'enquêteur onusien. “J'ai rencontré hier après-midi le juge Detlev Mehlis qui m'a posé un certain nombre de questions sur l'assassinat de Rafic Hariri. J'ai répondu en fonction des renseignements dont je dispose”, a déclaré Khaddam. K. ABDELKAMEL