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Lehkem Aberkan : l'espoir ressuscité ou la preuve de maturité
RENCONTRE LORS DU FESTIVAL DU FILM AMAZIGH
Publié dans Liberté le 12 - 01 - 2006

Lehkem Aberkan (le verdict noir) du réalisateur Assam Hamimi figure parmi les prétendants à l'Olivier d'or au dernier festival du film amazigh qui a eu lieu à Ghardaïa du 26 au 31 décembre 2005.
Il fait partie également parmi les oubliés du jury lors de sa distribution des distinctions. Pourtant, il est l'un des films les plus élaborés jamais réalisés par un Algérien n'ayant guère de moyens si ce n'est la persévérance et la passion du cinéma.
Avec ce film, Assam Hamimi, réputé par sa passion démesurée du 7e art, a réalisé des films peu maîtrisés même s'il sont porteurs d'idées et de bonnes intentions. Jusque là, il n'a pas pu donner une forme artistiquement acceptable à sa passion cinématographique.
Avec ce film, dont le contenu épouse la forme, mettant en scène deux journalistes femmes, confrontées aux problèmes de la société et à la mentalité archaïque menant vers le crime d'honneur, puisque l'une d'elle fut assassinée par son propre père suite à des soupçons infondés, Hamimi donne la preuve par neuf qu'il est un cinéaste qui a évolué, mûri et capable de rivaliser avec les grands cinéastes qu'a connus le pays.
Pourtant, il n'a point choisi la facilité. En 90 minutes, il dissèque la société, analyse les rapports entre les deux sexes, rend hommage aux journalistes et plaide pour la culture et le cinéma ayant désertés les places publiques.
Après ses premiers essais en amateur, entre autres, avec L'espoir brisé (2004) et Le Prix de la vengeance (2002), grand succès public, mais de piètre qualité cinématographique, Assam Hamimi, avec Lehkem Averken, nous surprend avec bonheur par sa maturité et surtout sa maîtrise du langage cinématographique. Cela s'est materialisé par son regard de cinéaste qui s'est aiguisé avec le temps.
En plus des raccords et des angles de prise de vues donnant force et perspicacité à la trame narrative et parfois renvoyant à tout un univers de sens, comme ce subtil clin d'oeil à Hitchcock, Hamimi a su choisir un binôme d'actrices convaincant — Medjber Sofia et Beldjoudi Yamina — qui, parfois à force de vouloir trop bien faire, sombre dans la perte de crédibilité de l'interprétation ; travailler le code des couleurs et le remplissage significatif de ses plans.
Dans ce sens, Hamimi, qui nous a habitué à une vision pessimiste, a inondé l'écran par des fleurs épousant la beauté de ses comédiennes et la résurrection du cinéma enterré dans son précédent film. On se croirait dans un film de Godard tant que les couleurs sont parfois l'objet de dialogues et utilisés, comme cette porte noire, faisant écho au titre, filmée à répétition, derrière laquelle le cauchemar allait se produire, pour donner force esthétique et profondeur sémantique à son œuvre.
Sur le plan symbolique, Hamimi a su exploiter les symboles universels. Les vagues sont toujours là pour imager les désirs d'une jeunesse qui se cherche et se révolte, et les décors hostiles de la montagne pour traduire les blocages qu'impose la société au passage, battue en brèche sans retenue. En outre, la forme n'est pas délaissée tant que le film réunit à la fois les ingrédients d'une fresque sociale et d'une enquête policière.
La caméra se veut douce, précise, changeante et glissante comme un serpent qui cherche instinctivement son chemin, même si parfois elle se montre hasardeuse.
Cependant, il y a lieu de regretter la faiblesse des prestations des comédiens amateurs qui n'arrivent point à oublier la caméra, les dialogues parfois trop longs et chargés inutilement, et surtout la faiblesse de la communication par les bruitages.
Mais c'est, à notre sens, trop demander à celui qui sacrifie ses biens pour ressusciter l'espoir et surtout nous permettre de savourer quelques délices cinématographiques.
Tahar HOUCHI
Lehkem Aberkan (Le verdict noir), Assam Hamimi, Alg., DVD, v. o. Kabyle, s-t, fr., 2005.
Scénario de Lila Hamani. Avec Medjber Sofia et Beldjoudi Yamina, Hachlef Mohamed Amokrane, Hamsi Djayna.


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