Sur proposition d'un ancien responsable du comité de cité, les habitants du quartier Liberté (au cœur de la ville de Draâ Ben Khedda) ont convenu de l'idée de l'achat collectif d'un bœuf qu'ils ont immolé à l'occasion de l'Aïd-el-Adha, avant de le partager entre les familles à la veille de la fête. Pour perpétuer la “Sunna” du sacrifice du mouton par le Prophète Sidna Ibrahim et permettre à tous les habitants de ce quartier d'avoir, à cette occasion, une part de viande, ces derniers ont tenu une cérémonie d'immolation d'un bœuf, acheté auprès de la ferme-pilote locale 164 544,60 DA et pesant près de sept quintaux. Une liste de quelque 88 familles a été établie préalablement, dont 5 parmi les plus pauvres ont été exonérées du paiement de leur part de viande et ont reçu une somme symbolique d'argent de 1 000 DA, a indiqué Rabah Afadjène, l'initiateur de l'opération. L'action de répartition s'est bien déroulée au siège de l'ancienne kasma, en présence d'invités officiels grâce à de nombreux jeunes bénévoles du quartier, sous l'œil vigilant des organisateurs. Connue pour son ancrage dans les mœurs villageoises kabyles, Timechret (appelée aussi Laouzi'â ou Taouzï't, selon les régions), était organisée régulièrement jadis (avant l'Indépendance) au sein de la cité voisine Sidi Ammar à la veille des fêtes religieuses (Achoura, Aïd, au lancement de la campagne labours-semailles…), indique notre interlocuteur. Mais pour le quartier Liberté, elle est une première, précise-t-il. Il espère que “cette pratique de solidarité envers les démunis se réhabilite et s'étende progressivement à tous les quartiers de Draâ Ben Khedda”. Au niveau de nombreux villages et cités en Kabylie les citoyens lui vouent un attachement indéfectible. En effet, en Kabylie, Timechret a cette particularité de rassembler tous les villageois, d'imprégner une certaine entente entre les habitants qui saisissent cette occasion pour se pardonner les uns les autres, se réconcilier, s'unir pour les actions d'intérêt général, d'entraide, et ce, quel que soit le rang social des uns ou des autres, pour trancher équitablement des points de litiges, etc. Elle est aussi une opportunité de renforcement de la solidarité et de la cohésion sociale, où chacun pourrait relever des insuffisances, signaler des problèmes, exprimer des préoccupations, pour permettre ensuite leur prise en charge ou prévoir collectivement des solutions par l'intermédiaire des responsables de la djemaâ (assemblée). Par ailleurs, et pour l'histoire, dira M. Afadjène, sexagénaire, avant l'Indépendance, on appelait péjorativement ce quartier “Houmat Taliane", en raison notamment de l'hostilité que rencontraient particulièrement les colons chaque fois qu'ils passaient. Autrement dit, à cette époque le quartier portait officiellement le nom de rue Victor-Hugo. À l'Indépendance, il sera rebaptisé au nom de l'un des martyrs de la révolution de Novembre dans la région, Cheriki Menoua. SALAH YERMECHE