Finalement, c'est le juge Raouf Rachid Abdel Rahmane qui remplace le juge kurde, Rizkar Amine, qui a démissionné après avoir été critiqué pour son “manque de fermeté” à l'égard de l'ancien dictateur irakien. En dépit de démentis officiels, le juge Amine a jeté l'éponge en raison des dures critiques venant de responsables chiites dans le gouvernement de transition sur sa manière jugée molle de conduire les débats, laissant à Saddam la possibilité d'afficher une attitude combative. Le procès, qui n'a connu que sept audiences d'une journée en plus de trois mois, a en effet révélé un Saddam pas du tout abattu et prêt à en découdre avec la partie civile, qu'il a dénoncée aux ordres de Washington. Le nouveau juge est un kurde comme son prédécesseur. Originaire de la ville de Halabja où 5 000 personnes sont mortes en 1988, à la suite d'un bombardement à l'arme chimique par Saddam, Abdel Rahmane, militant de la cause kurde, n'a été sorti des geôles de Saddam qu'en 1975, à la faveur de l'accord d'Alger entre l'ancien Chah d'Iran et l'Irak. Après, Abdel Rahmane s'installe à Bagdad en qualité d'avocat avant de rentrer en 1983 à Souleimaniyah, ville kurde, où il dirige le syndicat des avocats. En 1991, le Kurdistan échappe à l'autorité de Saddam et le juge kurde crée une association des droits de l'Homme tout en participant à la mise en place d'un système juridique pour l'administration des provinces autonomes du Kurdistan (Erbil et Dohouk). Avant d'être sollicité par le Haut tribunal pénal irakien, il était le vice-président du tribunal d'appel d'Erbil. Figure de la justice kurde et irakienne, il a traduit le droit de l'arabe au kurde et a supervisé, en tant que juge, de nombreuses élections. Le procès devrait se conclure en juin dernier, selon les Américains, pressés de boucler le dossier Saddam avant que ses déballages ne les entachent. La crainte de Bush est que l'ancien dictateur se mette à rafraîchir les mémoires sur les accointances de Washington avec son pouvoir, du moins jusqu'en 1991. Selon le conseiller juridique américain auprès du Haut tribunal pénal irakien, Kevin Dooley, de nouveaux témoignages doivent être présentés, ainsi que des preuves écrites de la responsabilité de Saddam lors de ces audiences. Le procès sera ensuite ajourné, afin de permettre aux procureurs du tribunal de dresser un acte d'accusation. Saddam, jugé coupable, encourt la peine de mort. D. B.