Bien qu'un magistrat chiite, Saïd al Hamachi, ait été désigné pour présider la huitième audience du procès de Saddam Hussein, le Haut Tribunal irakien a choisi un autre juge kurde pour poursuivre la mission. Ce n'est qu'à la veille de la reprise du procès du président irakien déchu et sept de ses proches collaborateurs pour le massacre de 148 villageois à Doujaïl en 1982, que le nom du magistrat chargé de présider l'audience de ce matin a été connu. Tous les efforts visant à faire changer d'avis au précédent président du tribunal se sont avérés vains. En effet, le juge Rizkar Amine, président démissionnaire du Haut Tribunal pénal a persisté dans sa décision de se retirer. “Le juge maintient sa décision de démissionner et affirme qu'elle est définitive et irrévocable en dépit de tous les efforts déployés pour le pousser à revenir sur sa démission”, a indiqué un proche de Rizkar Amine. Selon ce proche, “le juge suivra à la télévision le déroulement de l'audience, mardi, de son domicile à Soulaimaniyah, et ne se rendra pas à Bagdad pour la présider”. Devant ce refus catégorique, le tribunal a nommé un nouveau juge originaire de la localité kurde de Halabja, Raouf Rachid Abdel Rahmane. À travers un bref communiqué à la presse, le juge d'instruction Raed al Jouhi a rendu public le nom du nouveau président du Haut Tribunal irakien. “Raouf Rachid Abdel Rahmane a été choisi pour présider la chambre du tribunal jusqu'à ce qu'une décision soit prise concernant la démission du juge Rizkar Amine”, a-t-il déclaré. Le magistrat instructeur s'est limité à préciser que Raouf Rachid Abdel Rahmane, un Kurde comme son prédécesseur, est né en 1941. Il a été diplômé en droit en 1963 et a exercé en tant qu'avocat et magistrat. Il est né à Halabja, village kurde de la province de Soulaimaniyah, bombardé aux armes chimiques par Saddam Hussein en mars 1988, ce qui a provoqué la mort de cinq mille habitants. Cette désignation met un terme à plus de dix jours de spéculations et de rebondissements à propos de l'identité du juge présidant les audiences du procès de Saddam Hussein et de ses lieutenants, après l'annonce de la démission de Rizkar Amine à la mi-janvier. Rien ne laissait présager cette nomination, surtout que le 17 janvier dernier, le procureur général du Haut Tribunal pénal, Jaafar al Moussaoui, avait déclaré que le juge chiite, Saïd al Hamachi, dirigerait les débats lors des prochaines audiences du procès de Saddam Hussein. Ce dernier formulera le vœu de voir le gouvernement, le Parlement et les partis politiques “cesser d'interférer dans le travail du tribunal”. “Ces interventions sont de nature à créer des tensions confessionnelles”, indiquera-t-il pour étayer son argumentation, tout en prenant le soin de nier avec force les informations sur son appartenance passée au parti Baas dissous du président déchu Saddam Hussein. Cet appel constitue en fait un aveu de ce juge que le Haut Tribunal irakien est loin de bénéficier d'une indépendance totale. Pour rappel, l'appartenance du juge Saïd al Hamachi au Baas a été évoquée par le Comité d'épuration du parti dissous mais le Haut Tribunal pénal a affirmé qu'il n'existait aucune preuve confirmant ces informations. Sur cette question, le juge Raed al Jouhi avait tranché le 19 décembre dernier en déclarant : “Le Tribunal ne prendra pas en considération la recommandation du Comité d'épuration de l'ancien parti Baas et Saïd al Hamachi continuera à faire partie de notre juridiction.” Il n'en demeure pas moins que ce point a certainement pesé dans la décision d'opter pour un autre magistrat kurde. Reste à savoir comment ce dernier se comportera aujourd'hui face à Saddam et ses acolytes impliqués dans le massacre de Doujaïl. K. ABDELKAMEL