Dès la première séance sous son autorité, le nouveau magistrat kurde, chargé de juger Saddam Hussein, a provoqué par sa fermeté la sortie de la salle d'audience du président irakien déchu, qui n'a pas accepté d'être traité durement. “Je suis le juge, vous êtes l'accusé et vous devez m'obéir”, a lancé Raouf Rachid Abdel Rahmane, le président du haut tribunal irakien en direction de Saddam Hussein après de vifs échanges verbaux entre les deux hommes. Refusant d'être traité de la sorte, l'ancien maître de Bagdad rétorque : “Vous êtes irakien. Vous ne pouvez pas me donner des ordres sur ce ton. Je vous ai gouverné pendant 35 ans.” Ne s'arrêtant pas là, il demande à quitter la salle en criant : “Je veux quitter la salle”. “Vas-y”, réplique le juge en direction de Saddam, lequel s'écrie avant de sortir : “J'ai dirigé le pays pendant 35 ans et vous m'ordonnez de sortir.” Les vifs échanges entre Saddam et le président de séance ont commencé lorsque l'ex-chef de l'Etat irakien a affirmé que le tribunal est “un tribunal américain ou qui répond à leurs instructions”. “C'est un tribunal irakien”, répond Raouf Rachid Abdel Rahmane. Partant de là, Saddam Hussein donne un cours de droit : “J'ai pratiqué le droit au cours des 35 dernières années. Je connais mes droits et ceux des autres. Les accusés sont innocents jusqu'à ce que leur culpabilité soit prouvée. C'est ce qu'on nous a enseigné à la faculté de droit quand nous étions étudiants.” Ne s'arrêtant pas là, il revient sur la sortie de la salle de son demi-frère en expliquant que Barzan al-Tikriti “voulait seulement dire au juge qu'il était malade et lui expliquer son état de santé”. La situation s'est envenimé lorsque le magistrat a désigné des avocats commis d'office pour remplacer ceux de Saddam qui ont quitté la salle d'audience en signe de protestation. En effet, le président irakien déchu s'est élevé : “Nous rejetons quiconque qui sera désigné par vous. C'est mon droit de choisir un avocat.” Il s'est ensuite retourné vers les défenseurs commis d'office pour leur dire : “Si vous restez dans la salle, vous êtes des démons”, avant d'ajouter : “C'est mon choix, ne me forcez pas la main.” “Je ne vous oblige à rien”, réplique le juge. Poursuivant, Saddam lancera au magistrat : “Je vous respecte en tant qu'Irakien, sauf si vous avez renoncé à votre identité irakienne”, pour demander ensuite à quitter la salle. Le magistrat s'était signalé quelques instants auparavant en expulsant un des co-accusés de Saddam, en l'occurrence son demi-frère Barzan al-Tikriti. Ce dernier avait tenté de prendre la parole en dépit de l'opposition du juge. L'incident a eu lieu au début de l'audience lorsque Barzan Al-Tikriti avait entrepris de faire une longue déclaration sur son état de santé lorsque le juge lui a demandé de se taire et indiqué qu'il examinerait l'affaire. L'accusé continuant à parler, le juge lui a demandé de ne plus dire un mot sans quoi il serait expulsé. Barzan al Tikriti continuant à parler, le juge a ordonné aux gardes : “Sortez-le !” Par la suite, l'audience s'est poursuivie en présence de quatre des huit accusés et avec des avocats commis d'office. Elle a été interrompue pour une pause déjeuner après la déposition d'une femme dont le nom n'a pas été révélé, témoin à charge dans le procès. Le juge a fini par ajourner le procès jusqu'à mercredi. K. ABDELKAMEL