Selon leur représentante syndicale, les sages-femmes algériennes souffrent d'une insuffisance de formation. On sait, depuis le 5 avril dernier, date de la Journée internationale de la santé, que l'Algérie enregistre 30 000 décès maternels et infantiles, sans compter le nombre d'avortements en moins de 22 semaines de grossesse et les handicaps dus à l'asphyxie au moment de l'accouchement. La sonnette d'alarme a encore été tirée, hier, par Mme Guerrouche, présidente de l'Union nationale des sages-femmes algériennes (UNSFA), une ONG créée le 7 juillet de l'année 2004. Chargée de la préparation de la 1re conférence constitutive du syndicat national UGTA des sages-femmes algériennes, qui s'est tenue, hier, à l'hôtel El-Riadh de Sid-Fredj, la responsable de l'UNSFA a confié, lors d'un point de presse, que les décès des mamans et des bébés sont “un mauvais indicateur d'évaluation de la politique de santé en Algérie”. Selon elle, le suivi de la grossesse, l'accouchement et l'après-accouchement, des “règles primordiales” ne sont pas prises en charge par la formation des sages-femmes. Ces règles ne sont pas les seules à justifier le laisser-aller dans les maternités ni l'existence d'un taux de mortalité élevé. Mme Guerrouche a ainsi fait part du “manque” de sages-femmes, estimant que les 9 000 sages-femmes exerçant actuellement à l'échelle nationale sont loin de répondre aux normes internationales, à savoir 1 sage-femme pour 900 femmes à suivre. “La sage-femme algérienne est aujourd'hui débordée. Elle représente également une main-d'œuvre à bas prix, qui est payée comme une paramédicale, alors que c'est une universitaire répondant au critère bac + 3”, a-t-elle déclaré, notant plus loin que la professionnelle de la santé “ne bénéficie d'aucune prime pour les travaux de recherche et de documentation effectués”. La signature, le lendemain de la Journée internationale de la santé, du décret présidentiel portant sur le suivi des grossesses, des accouchements et de la prise en charge de la mère et du nouveau-né, a apparemment secoué les consciences. Il a aussi fait prendre conscience de la situation des sages-femmes et de la profession en elle-même. Au cours de la discussion avec Mme Guerrouche, on apprendra que la sage-femme “n'a plus le droit de décider”, soumise aux ordres des médecins et que depuis près d'une décennie, elle ne peut ouvrir une clinique en son nom si elle en a les moyens ou si elle est intéressée. Pour cette responsable, la sage-femme “doit reprendre ses prérogatives autonomes” quant à la prise de décision de la césarienne et du pronostic materno-fœtal ; autrement dit, des “clarifications” s'imposent au sujet des missions de la sage-femme, du gynécologue et du médecin généraliste. La sage-femme doit par ailleurs reprendre sa place dans le corps médical : l'UNSFA et le nouveau syndicat UGTA des sages-femmes réclament d'ailleurs 5 années de formation après le baccalauréat. “Les sages-femmes sont sanctionnées sur la base de la déontologie médicale alors qu'elles sont vues comme des paramédicaux sur le plan du salaire”, a souligné Mme Guerrouche, non sans rappeler le cas d'une dizaine de sages-femmes emprisonnées et des “nombreux” dossiers en justice incriminant des membres de ce corps médical. Elle a en outre fait remarquer qu'en cas de problème, la sage-femme “n'est jamais accompagnée par l'avocat de l'hôpital” et se retrouve donc seule pour se défendre. De l'avis de la présidente de l'UNSFA, la réhabitation du métier de sage-femme et du corps des sages-femmes passe nécessairement par la création d'un syndicat et d'un conseil de l'ordre, ainsi que par la “réanimation” de l'école des sages-femmes qui a fermé ses portes, il y a une vingtaine d'années. “Il faut arrêter de former les sages-femmes à l'école paramédicale”, a soutenu la responsable. HAFIDA AMEYAR