Organisation rattachée à l'UGTA, la FNTE vient de dénoncer avec véhémence l'audience accordée par le ministre de l'Education nationale à un syndicat nouvellement créé, le SNTE. Valeur sacrée sous d'autres cieux, la solidarité syndicale ne semble pas exister en Algérie. Ce n'est pas la première fois que la foire d'empoigne et le spectacle de la désunion se manifestent chez nos syndicalistes. Depuis quelques années, une noria de sigles dispute à la FNTE son monopole : le SATEF 1, le SATEF 2, l'UNPEF, le SETE, le SNTE… Toutefois, des observateurs se posent la fameuse question assassine : qu'apportent-ils de neuf par rapport à la FNTE ? D'autres n'hésitent pas à établir le parallèle avec le grouillement de la scène politique au lendemain de 1988. L'irruption soudaine d'une soixantaine de sigles partisans se voulait un enterrement du parti unique de l'époque. La suite, tout le monde la connaît. Le FLN est revenu aux affaires, revigoré et avec la même hargne hégémonique. D'autres questions surgissent : et si c'était là un remake du paysage politique de l'après-1988 ? La prolifération de syndicats viserait-elle à un renforcement de la FNTE ? A quelques dinars près, leurs revendications sont identiques. Ce qui, dans la logique universellement admise, doit en principe les pousser à des actions communes. La ressemblance (ou l'apparenté) est évidente lorsque l'on sait que la seule arme qu'ils affectionnent est la grève. A croire qu'il n'y a pas d'autres moyens de lutte. Dans le secteur de l'éducation, il n'y a pas de patron à mettre dans l'embarras ; le risque de dépôt de bilan (perte d'argent, baisse de la production) n'existe pas. Les pauvres élèves sont les éternels perdants, otages impuissants d'un conflit d'adultes. Cette uniformité syndicale, cette absence d'imagination (et d'innovation) dans la lutte entraînent une démobilisation. La presse vient d'annoncer la naissance d'un collectif parmi les travailleurs du secteur. Il affiche d'emblée la couleur : “Les sigles ont fait faillite”. Sur le plan des “dégâts collatéraux”, ces grèves à répétition exaspèrent les parents. Ces derniers comptabilisent, le cœur meurtri, les centaines d'heures perdues par leurs enfants. Une perte sèche que ni les heures supplémentaires ni les rallonges horaires ne pourront rattraper. Des échos se font entendre, ici et là, auprès des parents d'élèves. Le face-à-face couve, il finira par éclater au grand jour. Et comme Zorro, le pouvoir viendra arbitrer et, dans la foulée, retirer des dividendes certains. A quelques encablures d'une échéance électorale importante, l'opportunité s'y prête. C'est de la sorte que, via la lutte syndicale parfois téléguidée, on retombe dans les travers des joutes politiciennes. Dommage! Car nul ne conteste aux enseignants le droit d'aspirer à une vie décente. Ils la méritent, eux les “bâtisseurs d'avenir”. Mais la noblesse qui habille le “plus beau métier au monde”, pour reprendre Mouloud Feraoun, passe aussi par des préoccupations d'ordre pédagogique. Avant de devenir syndicaliste, l'enseignant est éducateur. Quid des débats, propositions et critiques autour de la stratégie du ministère de l'Education nationale ? Les thèmes ne manquent pas. Ils sont brûlants d'urgence : la formation continue, les rapports de travail, la vie scolaire des élèves (conditions d'accueil, cantines, transport) la politique de promotion, les contenus des programmes, etc. Autant de dossiers passionnants qui souffrent de la non-implication des premiers concernés : les enseignants. Sans oublier les deux points noirs — aussi laids que leurs salaires de misère — qui dévalorisent tant l'image du maître d'école, du professeur de collège ou de lycée, le trabendo des cours de soutien, cette arnaque qui pervertit la relation maître-élève et le scandale des milliards de dinars des œuvres sociales. Ce sont là des créneaux à investir en priorité, si les syndicats enseignants veulent vraiment donner du crédit à leurs actions. Ils pourront ainsi renouer le fil de la confiance avec la société, parents et élèves compris. A. R.