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Les dessous d'une agonie programmée…
Ferme pilote Cherif-Eddine de Sougueur
Publié dans Liberté le 01 - 02 - 2006

Décidément, le triste feuilleton de la ferme-pilote Cherif-Eddine couvrant une superficie de 1 300 ha et située sur une zone intermédiaire dans la commune de Sougueur, au sud de Tiaret, n'est pas près de prendre fin et la crise à laquelle elle fait face aujourd'hui n'est que la partie visible de l'iceberg.
Ayant mis au-devant de leurs revendications les arriérés de 40 mois sur leurs salaires, les 33 travailleurs accrochés à son effectif observent, depuis quelques semaines, une grève qui tend à se perpétuer dans le temps. “Où sont passées vos promesses M. le DSA ?” : “Les solutions, puis le travail”…, tels sont, entre autres, les slogans portés sur les banderoles accrochées de part et d'autre de l'entrée de cette ferme qui n'arrive pas à renaître de ses cendres quand on sait qu'une telle agonie n'est pas née hier.
À notre arrivée, nous sommes d'abord reçus par le directeur qui nous conseille de prendre attache avec le directeur des services agricoles (DSA) de Tiaret pour mieux nous renseigner sur la situation dans la mesure où son installation n'est que trop récente. Après quoi, nous prenons contact avec les quelques travailleurs présents, une quinzaine, qui attendaient justement cette opportunité de dévoiler leur mal. “Mon défunt père avait passé 34 ans dans cette ferme qu'il ne quitta qu'à sa retraite, et le jour de son décès, on n'avait même pas le mérite d'un agneau pour la veillée funèbre”, nous articulait l'un d'eux, lui aussi travailleur depuis 17 ans. “Ces terres nous ont rendu 1 300 qx de céréales l'année dernière et 3 500 celle d'avant, alors qu'on nous prive de nos salaire depuis trois années”, enchaînera un autre qui n'avait pas omis de déclarer que des avances leur furent octroyées auparavant avant qu'elles ne cessent depuis 9 mois. Cependant, en prenant acte des différentes déclarations pour le moins semblables, le sentiment du plus commun des mortels ne serait émaillé que d'amertume et de pitié à l'égard de ces êtres qui présentent des visages miséreux. Néanmoins, la réalité est tout autre et paradoxale quand on décortique les éléments fournis par le DSA qui n'a pas hésité à nous exhiber un dossier relatif à cette ferme dont il juge l'agonie programmée par les différents gestionnaires qui ont sillonné les lieux mais non sans la complicité de ceux qui crient aujourd'hui au scandale. “Le drame de cette ferme, c'est cette manie, à chaque fois que des problèmes surgissent, depuis plus d'une dizaine d'années, de procéder par un traitement de surface sans aller aux causes profondes du mal”, nous expliquait M. Mouissy qui nous rappela la succession de cinq “mauvais” gestionnaires par cette ferme.
Partant de la revendication des travailleurs, ce dernier se pose lui-même la question sur la source des salaires, puisque la ferme porte un statut qui stipule son autofinancement. Dès lors que la production, tant animale que végétale, n'a jamais pris de l'aile, cette structure s'est retrouvée finalement endettée envers la Badr, la Crma et d'autres fermes-pilotes contraintes à l'entraide. Aujourd'hui, selon M. Mouissy, ces dernières ne veulent plus continuer à envoyer leur argent dans l'air. “Et dire qu'avec cette même carence, les travaux du sol n'ont été effectués que grâce au concours d'autres fermes dont le matériel fut, à chaque fois, réquisitionné pour sauver la face”, avait-il ajouté en précisant que les travailleurs en question se sont laissés aller à l'idée de pousser la ferme à cette catastrophe dans le seul objectif d'aboutir un jour à un partage des terres, sorte de “hna fi hna”. Sans trop tourner le dos à la réalité, ce dernier expliquait ce paradoxe par le fait que ces travailleurs avaient déjà eu recours à des pratiques purement illicites en procédant par la sous-location des parcelles à des tierces personnes sans aucune pièce administrative, ainsi que celle des parcs avicoles, conçus pour l'élevage de 9 600 poules pondeuses, à des prix dérisoires de 14 000 DA pour les deux hangars. Toutefois, la question qui revenait à chaque fois sur la langue de M. Mouissy est de savoir pourquoi les 6 autres fermes éparpillées à travers la wilaya ne connaissent pas une telle calamité. “Au contraire, j'ai même ordonné de permaniser des cadres dans certaines comme celle de Rahouia”, trouvait-il à dire pour faire l'équation entre “vouloir travailler et produire” et “penser se reposer et combiner”. Argumentant ses dires, le DSA a affiché même son étonnement quant à l'échec accusé dans les programmes de soutien intervenus dans le cadre du Pnrda. À ce titre, une décision portant la confection de deux forages, deux bassins avec un équipement de pompage et un kit d'aspersion avait été notifiée, selon le DSA, qui a émis un doute sur la réalisation de ce programme ainsi que sur les autres.
Par ailleurs, le DSA a déclaré illicite la grève observée et, prenant à témoin l'inspection régionale du Travail et toute les parties concernées, a adressé une correspondance explicative au ministère de tutelle et ce, en attendant d'autres mesures à prendre quant à un éventuel plan de redressement.
R. SALEM


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