L'affaire qui remonte à décembre 2001 a défrayé la chronique. Les bébés ont rendu l'âme après avoir été vaccinés au centre de santé de la localité. L'erreur humaine reste la formule autour de laquelle gravitent toutes les conclusions des enquêtes administratives et techniques effectuées par les membres des différentes commissions instituées par les services administratifs mobilisés à la suite du décès de sept nourrissons dans la commune de Oued El Abtal après avoir été vaccinés contre la rougeole. Et comme toujours en pareilles circonstances, les responsabilités sont établies et les auteurs de cette opération qualifiée de négligence poursuivis. Ainsi, cinq agents paramédicaux ont été traduits en justice. En première instance, le tribunal avait prononcé un acquittement, deux condamnations à un an de prison ferme et trois autres ont écopé d'une peine d'un an de prison avec sursis. Les faits remontent au samedi 22 décembre 2001, lorsque sept bébés étaient décédé mystérieusement juste après leur vaccination au centre de santé de la localité qui dépend du secteur sanitaire de Tighennif. Telle une traînée de poudre, la nouvelle s'était répandue jusqu'aux coins les plus reculés de la région et cette affaire avait défrayé la chronique. Et c'est à la suite de cette tragédie que la commune de Oued El Abtal, relevant administrativement de la wilaya de Mascara, est sortie de l'anonymat, marquée par l'endeuillement inhabituel de toute la population. Ainsi, et après avoir observé le silence 48 heures durant, les citoyens avaient mis à profit les obsèques émouvants de ces nourrissons pour exprimer leur colère. Une fois les frêles corps des bébés sous terre, les manifestants étaient passés aux actes en mettant le feu aux édifices qui symbolisent l'Etat. Ainsi, les sièges de l'APC, de la daïra, la recette des contributions diverses et deux logements de fonction avaient été incendiés. Seule l'intervention musclée des gendarmes dont l'effectif a été renforcé a pu mettre fin aux agissements des citoyens qui avaient bravé l'interdit. Ces émeutes ont eu pour effet d'inciter le ministre de la Santé à se rendre à Oued El Abtal pour, d'un côté, présenter ses condoléances au nom du gouvernement aux parents des victimes et, de l'autre, s'entretenir avec la population et recenser ses revendications dont la plus importante consistait à faire toute la lumière sur ce drame et sanctionner les coupables. À cette époque, le ministre de la Santé avait dépêché une commission d'enquête et décidé la suspension de la campagne de vaccination lancée à travers le territoire national. Ainsi, tous les indices avaient conclu à une erreur humaine liée au non-respect des procédures en vigueur de préparation du vaccin administré qui ont conduit le parquet de Tighenif à se saisir du dossier avec, pour finalité, la mise en examen en avril 2002 des coupables. Plus de quatre années après, la population de Oued El Abtal est loin d'oublier ce drame et il suffit d'évoquer le sujet pour que tout s'enchaîne. Le plus commun des citoyens débite au moindre détail les évènements de décembre 2001, avec toutes les conséquences qui ont découlé. “En réalité, cette catastrophe n'était que la goutte qui a fait déborder le vase, car les problèmes sont multiples. La commune a vécu des moments difficiles dus à cette époque au terrorisme qui sévissait et dont la population a payé un lourd tribut. En outre, les jeunes manquent de tout : emplois, logements et loisirs font défaut à Oued El Abtal. D'où la frustration de la majorité d'entre eux dont l'avenir est incertain en dépit de leur âge, eux qui ont pourtant effectué des études supérieures. Moi-même, je suis titulaire d'une licence en droit obtenue il y a 5 années et, faute de débouchés, je me suis fait inscrire au chômage. Je viens de boucler mes 30 ans et aucune perspective ne m'est offerte”, nous a confié le jeune B. Nordine, rencontré à l'entrée de la localité. Ces révélations à elles seules justifient l'extériorisation de la haine que couvent les milliers de jeunes et il suffit d'une étincelle pour que le feu jaillisse de nouveau, à en croire tous ceux qui errent dans le village en quête d'occupation. À l'APC, la seule évocation du sujet suscite aussi bien chez les employés que chez les élus une source d'inquiétude, car nul n'est épargné. Les principales victimes restent les parents de Ilhem, Amira, Fatiha, Maghnia, Mohamed, Lakhdar et Abdelmadjid, les sept nourrissons décédés, à peine venus au monde. Les enquêtes diligentées par les différentes commissions ont mis en relief l'erreur humaine écartant ainsi l'hypothèse avancée, dans un premier temps, relative à la péremption de la date du produit. Un peu plus tard, la chambre administrative s'est prononcée pour l'indemnisation des parents des victimes, condamnant ainsi le ministère de la Santé à verser à titre compensatoire la somme de trois cent mille dinars (300 000 DA). Si cinq parents ont accepté le verdict, deux par contre l'ont rejeté et on introduit un appel. Pour B. A., “en ma qualité de croyant, je m'en remets à Dieu. C'est lui qui m'a donné cet enfant et c'est lui qui me l'a enlevé. Nul ne peut ressusciter mon enfant et c'est la raison pour laquelle j'ai accepté le jugement d'autant plus que je n'ai pas le choix”. Pour F. K., en revanche, les conclusions ont été hâtivement tirées : “La responsabilité du décès de mon enfant n'est pas clairement établie et c'est ce qui me révolte le plus. La somme qui nous est proposée est loin de compenser la vie d'un être cher. Il ne s'agit nullement d'un automobiliste indemnisé pour les dommages causés à sa voiture lors d'un accident de la circulation mais d'un être cher qui m'a été ravi par la bêtise humaine. Certes, force est de reconnaître que les agents paramédicaux ne l'ont pas fait volontairement, mais il y a une logique à respecter et c'est ce qui m'autorise à rejeter le verdict de la chambre administrative. Je suis disposé à user de toutes les voies et recours que me confère la loi pour recouvrer mes droits.” Très sensible, cette affaire a été rejugée, fin octobre 2005, par la cour criminelle de Mascara, avec, pour finalité, tenter de situer la responsabilité de chacun des intervenants dans l'opération de la vaccination effectuée en décembre 2001. Mais comme aucun élément nouveau n'est intervenu dans le dossier, le verdict prononcé en première instance a été reconduit, au grand soulagement des mis en cause qui ont déjà purgé leur peine et à la colère totale des parents des victimes. Néanmoins, cette affaire est loin de connaître sa fin puisque la question de l'indemnisation n'a pas été définitivement tranchée. A. B.