Désigné à la tête de la commission FLN de révision de la Constitution, le sénateur du tiers présidentiel, M. Bouzid Lazhari, explique dans cet entretien les axes de réflexion de cette structure et les propositions qu'elle compte faire. Liberté : Quelles sont les orientations générales qui vous ont été données par le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, dans le cadre du travail de votre commission ? M. Bouzid Lazhari : D'abord, il faut savoir que la mise sur pied de cette commission entre dans le cadre de la nouvelle dynamique qu'a imprimée le FLN à ses activités et à son fonctionnement de façon générale. Nous voulons par là être la première force politique non pas seulement en étant le parti majoritaire, mais en étant également une véritable force de propositions et d'initiatives. Aussi l'orientation générale imprimée au travail de notre commission est l'étude et l'analyse de la nature du régime constitutionnel actuel. Autrement dit, la définition de la nature des relations entre les différents pouvoirs. Ce qui veut dire en termes plus précis la définition des relations entre le pouvoir exécutif et législatif mais aussi la clarification du fonctionnement à l'intérieur du pouvoir législatif et exécutif. Pour vous expliquer le cadre général dans lequel intervient l'initiative du FLN, je vous dirais qu'il faut noter que la situation dans les années passées était très dure pour le pays qui était menacé jusque dans son devenir. Maintenant que le pays sort progressivement de la crise et qu'on exerce la démocratie dans la sérénité, notre réflexion tourne autour de la question de savoir s'il est temps de revoir la constitution actuelle. Et bien évidemment de faire des propositions à l'issue de notre diagnostic. À qui sera remis le rapport de votre commission une fois finalisé ? Les propositions seront soumises à l'instance exécutive du parti qui débattra de son contenu. Tout comme elles seront soumises au comité exécutif (la direction du parti) pour ensuite être remises au président de la république, comme l'a bien dit le secrétaire général du FLN. Puisque c'est le président de la république qui a la prérogative constitutionnelle de soumettre la constitution à la révision. Donc le président de la république sera destinataire du rapport ? C'est ce qu'a dit le secrétaire général du parti. Car ce travail est un travail politique qui normalement nécessite une décision politique. Mais notre commission est seulement chargée de faire des propositions en matière constitutionnelle. Existe-t-il des limites pour le travail de votre commission ? Il n'y a pas eu de limites imposées à notre travail. Notre structure peut aborder plusieurs sujets en plus de ceux définis à l'exception de certaines questions comme la nature unitaire de l'Etat et son cadre républicain et démocratique. Toute la réflexion autour de la révision de la constitution part de l'idée selon laquelle la constitution de 1996 a été élaborée en temps de crise qui n'est plus en vigueur maintenant. Comment constitutionnellement parlant on passe de 1996 à 2006 ? Il faut faire le bilan de dix ans de fonctionnement des institutions que la constitution a instaurées depuis 1996. Et voir quelles sont les institutions qui n'ont pas pu fonctionner normalement, car il ne faut pas oublier que l'on a vécu une période de terrorisme aveugle qui menaçait l'existence même de l'Etat. Et voir à la lumière de l'amélioration de la situation du pays la possibilité de donner à ces institutions plus de prérogatives et plus de moyens pour les mettre davantage à l'écoute de l'opinion publique. Vous comptez passer en revue l'ensemble du fonctionnement institutionnel. Quelles sont les institutions concernées par votre travail ? Il y a le fonctionnement du conseil constitutionnel par exemple. Nous allons voir s'il y a nécessité de revoir ses prérogatives. La réflexion actuellement tend vers l'élargissement de la fonction de saisine qui devrait s'étendre même aux parlementaires. Ce qui est considérable puisqu'on va ouvrir la voie à l'opposition pour contester une loi quand elle pose problème. Et pour le Sénat ? Il y a un important débat autour du rôle de cette institution et sur la possibilité de la doter de plus de prérogatives. Il y a même des sénateurs, ici, qui souhaiteraient avoir le droit à l'initiative de la proposition de lois ainsi qu'au droit à l'amendement des avant-projets de lois. mais le débat est en cours. Est-ce qu'il y a une réflexion en faveur de la suppression du sénat ? Non. Nous n'avons pas reçu de directives de la part du secrétaire général du parti par rapport à la suppression du sénat. Mais de façon générale, il faut réfléchir à ce qui se fait partout dans le monde : il y a une tendance mondiale tendant à instituer une deuxième Chambre du parlement. Et en plus, l'existence du sénat nous donne la possibilité de varier dans la représentation parlementaire. Mais cela étant, le débat n'a pas été tranché sur la question. Pour le moment donc, il n'existe pas de raisons pour la suppression du Sénat ? Non pas du tout. Et pour ce qui est des prérogatives de l'Assemblée populaire nationale ? Il y a une réflexion autour de la nécessité de la doter de la prérogative de contrôle du gouvernement. Mais la question n'a pas été encore tranchée car elle dépend de la nature du régime présidentiel ou parlementaire que l'on veut imprimer au pays. Nous sommes en train de réfléchir en l'occurrence à des mécanismes pour un contrôle plus rapide et plus efficient du travail du gouvernement par le parlement. La question de l'institution d'un vice-président fait elle partie de vos propositions ? Nous ne sommes pas arrivés à ce genre de réflexion. Car nous n'avons pas encore opté pour un régime constitutionnel bien défini. Mais effectivement le vice-président existe dans le régime présidentiel et il n'existe pas de chef du gouvernement car cette fonction est remplie par le chef de l'Etat lui-même. Allez-vous traiter la question du chevauchement des prérogatives du chef du gouvernement sur celles du président de la république ? Tout comme le poste de vice-président, la réflexion autour de cette fonction est en cours. De plus, il faut d'abord trancher sur la nature du régime constitutionnel que nous voulons adopter. Une fois tranchée, la question des prérogatives touchant ces deux fonctions va se poser avec acuité. Car la fonction du chef du gouvernement dans le régime parlementaire est très importante. Et pour cause, le chef du gouvernement représente le leader de la majorité parlementaire comme c'est le cas de Tony Blair et la fonction du président de la république devient pratiquement symbolique. Mais compte tenu de la situation et de la réalité de notre pays, je crois que cela relève de l'impossible. Notre pays a besoin que le poste du président de la république soit doté d'un maximum de pouvoirs. Car nous avons encore des problèmes, la croissance est encore insuffisante, les forces politiques ne sont pas encore suffisamment ancrées dans la société. De plus historiquement parlant, on a besoin encore d'un pouvoir exécutif important dans l'intérêt du pays. Toutefois nous avons besoin dans le même temps que le parlement joue véritablement et pleinement son rôle et qu'il soit doté véritablement de prérogatives. Le mandat du président de la république et sa durée figurent-ils parmi les questions que devra étudier votre commission ? Oui. Mais il ne s'agit pas d'une question centrale dans nos travaux. Ceci étant, il y a ceux qui plaident en faveur de la non-définition du nombre de mandats présidentiels arguant qu'il s'agit d'une atteinte au choix, et donc à la souveraineté populaire, mais il y a aussi ceux qui veulent une limitation du nombre de mandats du président. Mais la question est encore à l'étude. Entretien réalisé par NADIA MELLAL