La liste américaine comprend notamment des terroristes affiliés au GIA, aujourd'hui presque anéanti. Après les attentats du 11 septembre, les services secrets américains se sont vus accusés de défaillance. Ils n'ont pas été en mesure de prévoir cette agression d'Oussama Ben Laden, élevé pourtant dans les classes de la CIA. Depuis, la centrale du renseignement n'en finit pas de compter les coups. Pour preuve, les changements intervenus dans sa hiérarchie. Du défaut d'anticipation à l'excès, le pas peut être vite franchi, et les Etats-Unis, plus que jamais engoncés dans leurs certitudes, n'entendent pas se faire encore surprendre. D'où cette base de données du centre national de l'antiterrorisme, créé en 2004, qui a recensé pas moins de 325 000 suspects à travers le monde. La liste a pour objectif de prémunir les Etats-Unis contre de nouveaux attentats en identifiant les personnes jugées dangereuses. Elle concerne toutes les organisations classées comme terroristes et pas seulement Al-Qaïda. Elle inclut le GIA même si le groupe est quasiment anéanti. Avec quatre types de renseignement par personne à ses débuts, la fiche en compte aujourd'hui jusqu'à quarante. En plus de l'identité, on y trouve les pseudonymes, les descriptions physiques, les photographies, les numéros de téléphone alors que les données biométriques (empreintes) vont y être ajoutées. Les données proviennent de la CIA, du FBI et du NSA, l'organisme chargé des écoutes qui épluche des millions d'appels. Elle est transmise à l'Autorité des transports pour son fichier d'interdiction des vols. Le National Counterterrorism Center (NCTC) est le seul organisme à centraliser les renseignements. Avant le 11 septembre, il existait aux Etats-unis quelque 13 bases de données indépendantes les unes des autres. Sur quels critères le fichier est-il établi ? C'est la grande question, d'autant plus que les Etats-Unis n'hésitent plus à mener des opérations spéciales pour kidnapper dans des pays tiers des personnes jugées dangereuses ? Comme cela s'est produit en Italie. Officiellement, il s'agit de personnes connues, soupçonnées d'être engagées dans la constitution, la conduite, la préparation ou l'aide au terrorisme. Quelles sont les conséquences pour les personnes fichées ? C'est une autre question qui inquiète les organisations des droits de l'Homme. Car en matière du respect des droits de la personne humaine, le centre de détention de Guantanamo est là pour dire qu'il ne constitue pas une préoccupation de l'Administration américaine. Malgré la demande des Nations unies qui revendique sa fermeture au plus vite, Washington ne compte pas se plier à cette requête. S'il faut y ajouter les centres de détention secrets, on comprend les inquiétudes. Les détenus se comptent pas milliers et les procès sont rares. Il faut juste espérer ne pas porter le même nom qu'une personne recherchée car les déboires seront inextricables... En Europe, l'Union ne veut pas pour l'instant se doter d'un fichier unique. Elle en compte plusieurs, contenant moins de noms que celui des Américains. Preuve que les critères ne sont pas les mêmes. À l'intérieur d'un même pays, il peut y avoir plusieurs fichiers comme c'est le cas en France ou la DST (contre-espionnage), la DGSE (services spéciaux) et la DNAT (antiterrorisme) possède chacune ses propres données. Cela n'exclut pas pour autant un échange de renseignements entre les services dans ce pays qui a connu toutes les formes de terrorisme depuis les années 80 : “internationaliste” avec Carlos, “révolutionnaire” avec Action directe, arménien, basque, corse, proche-oriental et islamiste avec le GIA en 1995. La France se considère toujours sous la menace même si aucune bombe n'a exposé sur son sol depuis cette date. Al-Qaïda a tout bouleversé. Il ne faut plus raisonner en termes de frontières. Les spécialistes parlent aujourd'hui de terrorisme “déterritorialisé” conduit non par des groupes ayant des revendications politiques, mais par des individus au profil insoupçonnable. L'expérience française a permis à ce pays de se doter depuis 1996 d'un dispositif juridique qui a permis de développer une “stratégie préventive” de lutte contre le terrorisme, selon l'expression de Christophe Chaboud, patron de l'Uclat (Unité de coordination de la lutte antiterroriste). Il s'agit de la loi sur “l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste”. Si en droit commun, explique ce responsable, seul le début d'exécution d'un crime ou délit est répréhensible, dans le domaine du terrorisme l'acte de préparation est déjà punissable. Ce qui permet de neutraliser les membres des réseaux terroristes avant le passage à l'acte. Bilan : depuis 2001, une vingtaine de groupes ont été démantelés et environ 400 personnes interpellées. Yacine KENZY