La Coquette connaît, depuis quelque temps, une flambée d'insécurité qui risque, si l'on n'y remédie pas à temps, d'altérer irréversiblement son image de ville touristique, où il fait bon se délasser le soir à la terrasse d'un des kiosques du cours de la Révolution ou humer l'air du large, depuis sa merveilleuse corniche. Ses habitants ont peur de ces meutes de voyous qui guettent le moindre passant isolé… Il n'est que 18h30 et la nuit commence à tomber sur Annaba. Une à une, les rues du centre, qui grouillaient de monde, jusque-là, se vident. Les réverbères, qui s'allument avec quelques difficultés, sont comme un signal pour les commerçants qui s'empressent de baisser rideau, ajoutant à la peur qui envahit la ville. Oui, Annaba a peur ! Ses habitants n'arrivent plus à contrôler ce sentiment qu'ils pensaient avoir exorcisé, depuis quelques années maintenant, notamment avec la disparition du spectre du terrorisme intégriste. Ces derniers préfèrent, maintenant, rentrer chez eux dès la journée achevée, plutôt que de profiter de la traditionnelle promenade sur le cours de la révolution ou de se retrouver entre amis dans l'un de ces cafés qui le bordent. L'étranger à la ville se rend, immédiatement, compte de cette angoisse collective, surtout celui qui a pu, à un moment ou à un autre, partager la joie de vivre qui a de tout temps caractérisé les habitants de Annaba. La multiplication des agressions, dont sont victimes chaque jour d'honnêtes gens, à chaque coin de rue, est pour beaucoup dans cette triste situation. Les auteurs d'agressions sont généralement des repris de justice auxquels, manifestement, l'emprisonnement ne fait pas peur. Leur âge varierait, selon de nombreux témoignages, entre 18 et 30 ans. Ceux d'entre eux qui ont pu être identifiés se sont avérés des repris de justice comme l'est le tristement célèbre “berger” qui a hanté, pendant de longs mois, les esprits. Certes, il y a bien eu deux opérations “coup-de-poing” en 2005 et une autre en début de cette année. Ces actions qui ont nécessité la mobilisation de près de 400 policiers, y compris des éléments du sexe féminin des corps sécuritaires, ont eu un succès indéniable tant pour les centaines d'arrestations opérées dans leur sillage que pour le sentiment de soulagement qu'elles ont suscité au sein de la population qui était, d'ailleurs, toute heureuse de constater l'exercice de la force de la loi avec des moyens aussi importants. Malheureusement, ces descentes n'auront eu qu'un effet illusoire. Les actes de banditisme ont repris de plus belle replongeant, à chaque fois, les citoyens dans la crainte de se voir livrés impuissants entre les griffes des voyous, qu'ils soient au centre-ville, à proximité de la gare routière ou encore sur l'une des artères qui mènent hors des limites urbaines, vers la corniche ou vers la RN44. Mohamed B. est un fils de Annaba ; cet ancien fonctionnaire de police, aujourd'hui à la retraite, déplore ce qui est arrivé à sa ville. Il regrette qu'on en soit arrivé à laisser la rue à ces bandes de délinquants. “Il ne faut pas croire que la police a baissé les bras, car ce serait injuste. Les forces de l'ordre sont H24 sur le terrain même si elles viennent à manquer de moyens humains. Je sais, personnellement, que les descentes qui ont été organisées, récemment, n'ont été possibles que grâce à l'engagement de tous les fonctionnaires de police, du simple agent au plus gradé. Un grand nombre d'entre eux ont doublé leur poste pour être disponibles avec leurs collègues au déclenchement de ces actions. Certains ont même passé des nuits au commissariat central. C'est dire qu'ils accordent une importance capitale à leur devoir envers les citoyens.” Kamel T. est un homme d'affaires qui vit entre Annaba et une capitale du Magreb, victime lui-même d'un vol par effraction de son véhicule. Et il n'a toujours pas récupéré le porte-documents dans lequel il y avait des papiers très importants, une somme d'argent et surtout son passeport. Il regrette que sa femme ait été agressée en plein jour au niveau du quartier Beau-Séjour par trois malfrats, dont le plus jeune devait avoir 15 ans à peine. À Annaba, comme un peu partout à travers le pays, les citoyens ne réagissent plus aux malheurs des autres, soit par égoïsme soit par lâcheté, tout simplement. Une attitude individualiste qui ne prémunira personne contre ces délinquants qui s'enhardissent, chaque jour, davantage, allant jusqu'à escalader des maisons dont les propriétaires sont à l'intérieur et les dévalisant sous la menace et la torture. A. Allia