La crainte d'une guerre civile en Irak est réelle, après le redoublement de violences entre chiites et sunnites. Après la guerre imposée par l'occupation américaine, le peuple irakien se trouve confronté à une guerre sectaire intercommunautaire. L'Irak connaît une vague de violence intercommunautaires après qu'un groupuscule, suspecté d'être lié au réseau terroriste Al Qaïda, eut fait sauter, mercredi dernier, un important lieu saint chiite en Irak, le mausolée de Samarra au nord de Bagdad. L'attentat était bien ciblé pour faire basculer le pays dans une guerre sectaire entre chiites et sunnites. L'éventualité d'une guerre est bien réelle, d'autant plus que le mausolée représente l'identité même des chiites. Les appels au calme des dirigeants politiques et religieux, en particulier le grand ayatollah Ali Sistani, la plus haute autorité religieuse chiite d'Irak, et le chef du puissant parti conservateur chiite irakien, Abdel Aziz al Hakim, n'ont pas été entendus. Le centre de l'Irak est sous couvre-feu pour essayer d'éviter l'irréparable et les forces de l'ordre avaient reçu ordre de tirer sur tout contrevenant. Les mosquées ont relayé par haut-parleurs les appels au couvre-feu. Hier vendredi, l'Irak se tenait le ventre, craignant des heurts à la sortie de la prière du vendredi. Depuis les attentats contre le mausolée chiite, c'est la guerre des mosquées. Mosquées chiites et sunnites sont dynamitées et brûlées. Les efforts pour rétablir le calme sont apparemment vains. Bush, lui, d'habitude optimiste, n'a pas pu cacher son désarroi. La communauté internationale s'attend au pire. Les options de l'Irak post-Saddam sont en train de se réduire. Les plans établis seulement il y a quelques semaines, à savoir un dialogue politique, des retraits programmés de troupes et des pourparlers avec les insurgés qui, apparemment, ne peuvent être défaits, vont être maintenant beaucoup plus durs à mettre en application, estiment les experts. Certains parmi ces experts voient dans le dynamitage d'un des mausolées les plus sacrés des chiites et les exactions commises contre des lieux de culte et des membres de la communauté sunnite, une stratégie où l'Irak est l'otage d'un conflit régional entre les Etats-Unis et l'Iran. Quoiqu'il en soit, si la situation demeure telle quelle et si le gouvernement n'est pas formé rapidement, le pays pourrait glisser dans la guerre civile. Les différents dirigeants irakiens ont mis en garde contre la zizanie confessionnelle, mais la principale liste sunnite, le Front de la Concorde, a suspendu sa participation aux négociations sur la formation du gouvernement en raison des attaques contre des membres de sa communauté. “Il faut prendre garde au feu de la sédition car, s'il s'allume, il détruira tout sur son passage et personne n'en sortira indemne. L'éteindre est un devoir sacré qui ne peut se réaliser qu'à travers l'unité nationale”, a déclaré le président irakien Jalal Talabani en recevant les dirigeants politiques. L'ambassadeur américain à Bagdad, Zalmay Khalilzad, a affirmé que le problème fondamental en Irak était un conflit ethnique et communautaire. On ne ferait pas mieux pour jeter de l'huile sur le feu. D. Bouatta